mardi 29 novembre 2016

Compagnie Tourangelle de Bière : une ambition... Royale ?

La petite histoire présente débute à... Tours ? Non, non, pas à Tours... à Beaune ! Eh oui, c'est Nicolas Seyve, brasseur des bières beaunoises Belenium (bien connues maintenant dans ces pages), qui m'a rancardé récemment sur la Compagnie Tourangelle de Bières, dont je n'avais jamais entendu parler : honte à moi ! Il m'en a même donné deux bouteilles à déguster. 

Heureusement que j'ai des copains pour m'aider quand même ! 

Bref, qu'est-ce que la Compagnie Tourangelle de Bière ? Il s'agit d'une toute nouvelle brasserie, lancée officiellement le 16 juin dernier, à Tours donc, sous la  houlette de deux brasseurs nommés Maxime et Karim, amoureux de la bière et du brassage. Ils ont décidé de nommer leur gamme de bières "Royale", un nom qui colle plutôt bien à cette région pleine de châteaux de la Loire. En lançant leur brasserie, ils poursuivent un objectif tout aussi prestigieux : redonner à la bière toute sa place, aux côtés du vin sur les tables françaises, en accompagnement de notre gastronomie. Un objectif poursuivi aujourd'hui par de très nombreuses personnes partout en France, brasseurs, zythologues, gastronomes, gourmets. Et notamment Nicolas Seyve qui a créé, pour les établissements Bernard Loiseau, ses bières "Blanche de Blanche" et "Blonde au Miel" .

Mais au lieu de vous gaver d'explications et de détails, comme j'en ai l'habitude, je vous renvoie au site de la Compagnie Tourangelle de Bières (ou CTB) : www.biere-artisanale-ctb,fr .

Mais pourquoi, vous demandez-vous (enfin, peut-être...), est-ce un brasseur beaunois qui vient me parler de bières fabriquées à Tours ? Eh bien tout simplement parce que n'étant pas encore suffisamment équipés pour brasser chez eux, Maxime et Karim ont demandé à pouvoir brasser chez des confrères équipés du même matériel que celui qu'ils auront, dont fait partie la microbrasserie beaunoise. C'est pourquoi, au mois de juillet dernier, ils se sont retrouvés à Beaune, chez Belenium, pour une session de brassage de leurs premières bières. Une opération qu'ils ont réitérées chez d'autres brasseurs, semble-t-il, mais sans plus de précision. C'est tout naturellement que Nicolas Seyve a pu garder un certain nombre de bouteilles du produit fini. Et voilà comment je suis moi-même entré en possession de bouteilles des bières de la gamme "Royale" : une "Royale Pale Ale" et une "Royale India Pale Ale". Une troisième était lancée, ce 29 novembre même, la "Royale American Pale Ale". Je n'en ai donc pas obtenu, mais ce n'est que partie remise.

On constate assez rapidement, à la lecture des noms de ces bières, qu'elles sont largement inspirées de styles de bières anglo-saxons : les Pale Ales et India Pale Ales, nées en Angleterre et largement développées aux Etats-Unis il y a quelques décennies avant d'inspirer désormais les brasseurs européens, et donc français bien évidemment.

Bref, voilà qui nous amène à la première bière de la gamme "Royale" qu'il m'a été donné de déguster : la "Royale Pale Ale" Session #1 (petite particularité en plus : chaque bière de chaque style exploré sera susceptible d'évoluer "au gré des saisons, [des] envies et des matières premières disponibles", d'où les numéros de "Session"). Il s'agit d'une blonde composée de malts Pilsen (très légèrement malté, aux saveurs douces, panifiées voire biscuitées) et Munich (malt plus aromatique que le Pilsen, touraillé à plus haute température - il sera donc plus foncé - et de goût plus prononcé que le Pilsen), ainsi que de froment. Les houblons utilisés sont américains : l' Amarillo (floral et épicé, d'amertume prononcée), le Cascade (plus aromatique qu'amer, floral et épicé lui aussi) et le Chinook (aux saveurs d'agrumes, de pamplemousse notamment, et à l'amertume prononcée). De fermentation haute, elle est refermentée en bouteille. Elle titre 5.4 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière légère, en terme d'alcool en tout cas. On s'apercevra que ce n'est pas le cas en termes de saveurs. A consommer à 7-8°C (à mon humble avis, comme d'habitude).

La "Royale Pale Ale Session #1"


Au visuel, elle arbore une robe blond foncé, trouble, aux reflets ambrés à cuivrés. Elle est surmontée d'un épais col de mousse blanche à grosses bulles, "rocailleux", qui s'affine au fil du temps, mais persiste longuement.

Au nez, ce sont des arômes discrets qui s'échappent de ce col de mousse, moelleux et fruités sur les agrumes, accompagnés de notes de céréales biscuitées et même légèrement caramélisées, ainsi que de notes fleuries.

En bouche, l'entrée est vive et sèche, suivie d'un corps céréalier biscuité et fruité sur les agrumes, d'une certaine ampleur et d'une puissance que ne laisse pas penser la lecture du degré d'alcool. Le tout s'accompagne là aussi de touches fleuries. La fin de bouche est caractérisée par une amertume fleurie et épicée prononcée, persistante.

Une pale ale sympathique, alliant puissance et beau mélange de saveurs. Une puissance qui contraste avec son taux d'alcool léger. Elle est bien équilibrée entre la vivacité du début, le moelleux céréalier et fruité du corps et l'amertume prononcée. Elle accompagnera bien, selon les brasseurs (voir leur site), des plats de poissons ou de viande épicés : filet de sole, takaki de saumon vinaigrette de pamplemousse, tartare de veau 4 épices... Mais aussi du dessert épicé : crème brûlée chocolat-gingembre (toujours selon les brasseurs). A essayer si vous passez par Tours ! 



jeudi 17 novembre 2016

La Saint-Rieul d'hiver, et un peu de Noël...

Novembre est arrivé, avec lui est arrivé le temps des bières d'hiver et de Noël. J'en entends déjà qui vont dire, comme j'ai pu le dire moi-même : "une idée commerciale de plus pour nous faire acheter de la bière même en hiver !"

Ben pas tant que ça en fait... Le style "bière d'hiver" ou "de Noël" est un style plutôt ancien quand on y regarde bien. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les bières étaient des produits brassés de façon saisonnière, d'octobre à mars pour être servis au printemps et en été. Au début de l'automne, il fallait souvent écluser les derniers stocks de céréales de la brasserie afin de faire place aux nouvelles récoltes. Le tout était utilisé pour brasser des bières à consommer en fin d'année, qui étaient souvent des bières riches, amples, voire "épaisses" tant étaient importantes les quantités de matière première utilisées pour les brasser, bien souvent plus fortes en alcool.

Bon, après cette définition très générale, j'ai cherché un peu plus loin. Et, grâce à Guillaume Paysant (brasseur d'Elixkir à Dijon), j'ai la possibilité d'affirmer que l'on peut faire une distinction entre les "bières d'hiver" et les "bières de Noël". Ben oui, pourquoi ne pas ajouter un peu de complication ?

D'après Guillaume Paysant, les bières de Noël prennent leur source dans les pays scandinaves il y a plus d'un millénaire, avant leur évangélisation. La bière était brassée en octobre pour être consommée lors de la fête païenne de "Yule", le 21 décembre. Une tradition qui fut préservée, après l'évangélisation, pour les fêtes de Noël. La tradition est encore bien ancrée aujourd'hui semble-t-il puisque "les bières de Noël sont restées très populaires, en tout cas dans la brasserie où j'ai travaillé (Nogne O) qui brasse 4 bières de Noël différentes", m'a confié Guillaume.

Les bières d'hiver en revanche prendraient plutôt leur source en Angleterre. Elles seraient nées à Burton Upon Trent, ville archi-connue des brasseurs et bièrologues comme celle dont l'eau de source est propice au brassage des meilleures Pale Ales et India Pale Ales britanniques. Style de Pale Ale, elles s'en différenciaient par deux composants : une portion de malt torréfié leur donnant une couleur plus foncée ; un peu de sucre brun qui les rendait plus douce que nombre d'ales anglaises de l'époque. Deux raisons pour lesquelles, toujours d'après Guillaume Paysant, ce style de bière était davantage apprécié et consommé durant les froids mois d'hiver, car certainement plus chaleureux. Un style d'ailleurs renommé par la suite "Winter Warmer". Le style "bière d'hiver" a fait des émules outre-atlantique comme ailleurs en Europe, notamment à la faveur du renouveau de la brasserie artisanale (démarré, rappelons-le, aux USA dans les années 1970), et serait même devenu un incontournable du brassage artisanale. Les brasseurs américains sont ceux qui commencèrent à ajouter des épices dans leurs bières d'hiver.

Et c'est là que tout se brouille... Pas belle la vie quand même ? Effectivement, on est aujourd'hui face à deux styles, dont les origines origines diffèrent, mais qui se télescopent. Non seulement par la période où on les brasse et où on les consomme, par leurs caractéristiques (bières foncées, épicées, parfois un peu sucrées), mais encore par leur appellation. Depuis une trentaine d'années (1985 pour le retour de la bière de Noël en France, en Alsace plus précisément, à la brasserie Schutzenberger), toutes ou presque sont regroupées sous l'appellation "Bière de Noël" pour des raisons "bassement"commerciales. Bref, bien que ce soit le m...dier pour la faire aujourd'hui, il y a bel et bien une distinction, historique du moins.

Une fois de plus, je tire mon chapeau à ceux qui sont arrivés à ce stade du post sans s'endormir ou le fermer. Passons enfin à la bière dont la dégustation faisait à l'origine l'objet de cette longue bafouille: 

La Saint-Rieul d'hiver

La brasserie Saint-Rieul est une brasserie-ferme artisanale picarde, fondée en 1998. Il s'agit donc d'une brasserie tout de même assez ancienne par rapport au nombre actuel de brasseries artisanales en activité aujourd'hui en France. Elle est basée à Trumilly, Saint-Rieul faisant allusion au premier évêque de Senlis, évangélisateur de la Gaule au IIIe siècle de notre ère. Mais je ne vais pas en plus vous soûler avec l'histoire de la Brasserie. Je vous invite à cliquer sur le lien suivant pour en savoir plus : Basserie Saint-Rieul

La Saint-Rieul d'hiver est issue du brassage de généreuses quantités de malts pâle, caramélisé et plus sombre, ce qui devrait lui donner une certaine douceur. Cette dernière sera équilibrée par l'utilisation d'épices et d'écorces d'orange. De haute fermentation et refermentée en bouteille, elle titre 8 % de teneur en alcool. Comme toute bière d'hiver et/ou de Noël, il est conseillé de la boire à peine plus fraîche que la température de cave, autour des 9-10° C.

La voici :


Au visuel, elle offre une robe brun acajou trouble, aux reflets roux, surmontée d'un col de mousse blanc cassé laissant une dentelle abondante collée à la paroi du verre. Mousse bien persistante.

Au nez, elle offre des arômes fruités-caramélisés et épicés : des notes vineuses de fruits rouges mêlées de notes caramélisées ; des touches épicées de cannelle se font jour ensuite. Le tout combiné donne des arômes bien agréables.

En bouche, l'entrée se montre douce et peu effervescente. Elle débouche sur un corps ample et moelleux, caramélisé et légèrement vineux, donc bien fruité. Le tout est relevé de notes chaleureuses de cannelle et des touches grillées déterminant l'amertume de cette bière. Une amertume tranchant bien avec le moelleux du corps, qui s'avère persistante.

Une bière agréablement chaleureuse qui a toute sa place en hiver, puisqu'elle est ainsi nommée par la Brasserie Saint-Rieul, mais aussi (comme c'est la conclusion finalement toute simple de la "petite" explication que j'ai rédigée en début de post) à Noël. La Brasserie Saint-Rieul a le mérite de ne pas avoir cédé aux sirènes commerciales en l'appelant "Bière de Noël". Elle accompagnera bien des plats de gibier riches et épicés, chaleureux et adaptés aux soirées froides d'hiver. Pourquoi pas du fromage à pâte dure comme du vieux Comté. Au dessert, du pain d'épices pourrait bien faire l'affaire, ou pourquoi pas un gâteau aux fruits et chocolat.

Et vous savez où on peut la trouver aujourd'hui autour de Dijon ? Je vous le donne en mille : 
138 ter Avenue Roland Carraz
21300 Chenôve
03 80 51 57 26

Et peut-être dans d'autres boutiques, qu'elles se dénoncent... ;-)