mercredi 24 février 2016

L'Elixkir Porter, un autre style historique

La Brasserie Elixkir ne s'est pas limitée, en termes de styles étrangers, à l'IPA que j'ai présentée sur ce blog dernièrement. L'une des dernières nées de la brasserie est un Porter, style historique de bière anglaise. 

Ce style de bière est apparu à Londres dans les années 1700. A l'époque dans les estaminets, on demandait fréquemment un mélange de plusieurs bières de forces différentes selon leur prix. On appelait ce mélange "Three Threads" (Trois fils). Suite à un hasard, ou une erreur, certains brasseurs londoniens arrivèrent à produire un équivalent du "Three Thread" le plus recherché de Londres, mais en un seul brassage, grâce à un nouveau mélange de malts pâle et foncé, donnant une bière brune plutôt légère (5 à 6 % de teneur en alcool) et... rafraîchissante (Heee oui, même les brunes sont rafraîchissantes !). La différence majeure est que cette bière, produite en un seul brassage au lieu de plusieurs, était forcément beaucoup moins chère que le "Three Threads" traditionnel, ce qui en étendit le marché aux couches populaires, laborieuses. Cela permit le brassage à grande échelle, qui devint l'une des plus vendues de Grande Bretagne. Le nom de "Porter" lui vient de ceux auprès desquels elle eut le plus grand succès : les... porters, terme anglais désignant les débardeurs transportant du fret dans les rues de Londres ainsi que sur ses voies d'eau. 
Comme de nombreux styles historiques, le Porter finit par tomber en désuétude et presque disparaître en raison des progrès techniques qui, au fur et à mesure du XIXe siècle, permirent le brassage à grande échelle et peu cher de bières blondes type lager pilsner. Comme l'IPA, le style Porter a repris de la vigueur ces 40 dernières années avec le retour sur scène de la brasserie artisanale, sous de nombreuses formes selon les interprétations qu'en faisaient les brasseurs. COLE Melissa, Tout sur la bière, Paris, Gallimard, 2011, p. 166-167.

Amélia Begrand et Guillaume Paysant n'ont pas voulu être en reste et ont donc créé leur propre Porter, une bière de fermentation haute, refermentée en bouteille. Elle titre 5.5 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière légère. Elle se boira, pour être tout de même rafraîchissante, entre 6 et 8°C.

La voici : 


Au visuel, elle arbore une robe brun foncé aux reflets acajou. Comme ses soeurs qui subissent, elles aussi, une refermentation en bouteille, on y décèle un léger trouble. Le tout est surmonté d'un col de mousse ivoire aux fines bulles, peu abondant mais persistant.

Au nez, la mousse offre des arômes plutôt discrets aux notes chocolatées, grillées et torréfiées, ainsi que des touches moelleuses de fruits noirs.

En bouche, on pourrait s'attendre à une bière rude, mais il n'en est rien. Elle est douce, voire moelleuse avec des touches caramélisées et chocolatées (chocolat noir plutôt), mais surtout des saveurs de céréales grillées et torréfiées. Ces dernières se retrouvent dans une amertume type café noir, qui se révèle malgré tout modérée. Persistance sur le grillé et le torréfié.

On a là une Porter sympathique et, croyez-le ou non, rafraîchissante notamment du fait d'un taux d'alcool et de saveurs assez légers. Elle n'en reste pas moins aussi une bière de dégustation avec des saveurs agréables mêlant moelleux et rudesse en un équilibre réussi. Elle accompagnera avantageusement un dessert chocolaté, voire au café, ou tout simplement un morceau de chocolat noir. Mais pourquoi pas aussi avec un bon steak... 

Elle est désormais disponible, pour le prix de 3.00 € la bouteille de 33 cl sur www.secretsdebieres.fr

mercredi 10 février 2016

L'Elixkir IPA, quand la mode a du bon...

Je ne présente plus la brasserie dijonnaise Elixkir, mais je peux continuer à présenter certaines de ses bières. Cette fois-ci, comme le titre l'indique, c'est l'IPA qui y passe.

Le style IPA est l'un des styles de bière les plus en vogue du moment, et très nombreux sont les artisans-brasseurs - et brasseurs industriels aussi - qui s'y essaient. C'est au 18e siècle, en Angleterre, que serait né ce style de bière. Ces bières, qu'on n'appelait pas encore IPA à l'époque - le terme n'est apparu que dans les années 1830 - étaient destinées aux colons anglais basés en Inde. Il leur était impossible, en l'absence de toute technologie de réfrigération, de brasser de la bière dans ces contrées chaudes. Il leur fallait donc faire venir la bière d'Angleterre. Mais bien souvent, ces bières supportaient  mal la longueur du voyage en bateau, et arrivaient presque imbuvables. Parmi toutes les bières qui leur étaient expédiées depuis l'Angleterre, celles qui leur arrivaient dans le meilleur état et les plus propres à la consommation étaient les bières qui avaient été massivement houblonnées et dont le taux d'alcool était plus élevé. Il paraît même qu'elles se bonifiaient pendant le voyage. Le succès de ces pale ales brassées pour l'Inde ne fit que s'accroître durant la première moitié du 19e siècle. A partir des années 1830, ce style de bière fut aussi brassé pour le marché intérieur anglais, sous la désignation "Pale ale brassée expressément pour le marché indien", ou India Pale Ale, à destination des colons revenus en Angleterre et désireux de retrouver ce type de bière qu'ils avaient apprécié en Inde. Mais ils ne furent pas les seuls à aimer ce style, qui devint pour les décennies suivantes le style de bière le plus vendu au Royaume-Uni. Ce style de bière déclina jusqu'à ne devenir plus que l'ombre de lui-même, à la fin du siècle, sous l'effet des campagnes antialcooliques (bande de rabat-joies !) et des taxes qui, à partir de 1880, ne concernèrent plus la quantité de malt, mais le degré alcoolique de la bière. (Cole, Mélissa, Tout sur la bière, Paris, Gallimard, 2011, p. 116-120).

Le style fut remis au goût du jour aux Etats-Unis dans les années 1970, accompagnant les premiers pas de la révolution micro-brassicole, partie de là-bas. Les artisans-brasseurs conçurent des bières agrémentées de quantités parfois phénoménales de houblon, selon le principe du dry-hopping, ou houblonnage à sec. Ce principe de houblonnage consiste à infuser la bière lorsqu'elle est en cours de fermentation ou de maturation, ou les deux, avec de généreuses quantités de houblon. En général, pour tous les styles de bière, y compris l'IPA, le houblon est ajouté lors de l'ébullition, ce qui a pour effet de lui faire perdre une partie de ses arômes et saveurs. Le houblonnage à sec permet au houblon de faire bénéficier la bière de toutes ses propriétés aromatiques. Souvent brassées avec du houblon américain ou plus exotique, ce style abrite un éventail extraordinaire de bières aux saveurs très fruitées, des fruits exotiques aux agrumes, résineuses, terreuses aussi, et à l'amertume souvent très prononcée. Et ce sont ces caractéristiques, nouvelles par rapport aux classiques bières de grande distribution et aux grandes bières de spécialités installées depuis des décennies (belges notamment), qui font que ce style a le vent en poupe aujourd'hui.

Félicitations à ceux qui ont réussi à achever ce passage explicatif sans s'endormir ou sans fermer ce post ! Ma passion pour l'histoire est presque équivalente à mon amour de la bière, désolé...

Elixkir a donc succombé à la mode. D'ordinaire, je ne suis pas trop pour qu'on succombe sans cesse à la mode, mais il faut savoir admettre quand c'est bénéfique. Et, dans le cas d'Elixkir, succomber à la mode de l'IPA s'est avéré être une réussite. Leur IPA, comme les autres, est une bière de fermentation haute, titrant 7% de teneur en alcool, ce qui en fait une bière semi-forte. Lors de son processus de brassage, trois houblons ont été utilisés : l'américain Chinook, amérisant et aromatique (notes de pin, d'agrumes et d'épices), l'américain citra (notes d'agrumes) et le japonais Sorachi Ace (citronné puissant et amertume prononcée). Autant dire qu'elle devrait avoir de la saveur...

La voici : 

Au visuel, elle présente une robe ambrée clair aux reflets dorés, trouble du fait d'une phase de refermentation en bouteille. Elle est surmontée d'un col de mousse blanche, épaisse, compacte et persistante.

Au nez, la mousse dégage des arômes puissants et bien fruités, aux notes de fruits exotiques et d'agrumes, avec des touches résineuses.

En bouche, le malt offre un moelleux brioché qui s'accorde en un bel équilibre avec la vivacité de saveurs de fruits exotiques. La fin de bouche est marquée par une amertume relativement puissante de pamplemousse, et correspond tout-à-fait au type IPA américaine, puissamment fruitée et amère.

Une IPA réussie, pas grand chose de plus à en dire. Elle ravit les connaisseurs du style (j'en ai quelques témoignages...), ce qui en dit long sur la qualité du travail fourni....


















lundi 1 février 2016

L'Elixkir ambrée, un classique qui sort de l'ordinaire

La brasserie Elixkir et son icône, le chanoine Félix Kir voulant maintenir secret son péché, sont une deuxième fois "à l'honneur" dans ces pages (si l'on peut parler d'honneur...). Cette fois-ci, c'est l'ambrée que je vais m'appliquer à décrire. C'est la première bière de cette brasserie que j'ai eu l'occasion de goûter, au mois d'août dernier. Alors, Guillaume, Amélia et leur brasserie faisaient leurs premiers pas et seule leur ambrée était prête à la consommation. J'aurais pu commencer mes descriptions par elle, mais il n'a jamais été marqué nulle part que je faisais les choses dans l'ordre. Cela se saurait... ;-)

Comme sa soeur blonde, il s'agit d'une bière de fermentation haute basée sur l'utilisation de plusieurs malts, qui lui donnent sa couleur. Elle titre 6 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière semi-forte. Les ambrées, comme les blondes ou les blanches, sont des classiques des brasseries artisanales, en Bourgogne comme ailleurs. Elixkir ne déroge donc pas aux classiques. Cependant, là où nous avons souvent affaire à des classiques ambrées douces, moelleuses et caramélisées, l'Elixkir ambrée sort de ces ordinaires, notamment grâce aux houblons utilisés : des "houblons du nouveau monde", des mots mêmes des brasseurs, aux saveurs d'un fruité et d'un épicé hors du commun.

Voilà ce classique hors de l'ordinaire : 


Au visuel, elle offre une robe d'un ambré intense aux reflets dorés, avec un très léger trouble. Le tout est surmonté d'un important col de mousse blanc cassé, crémeuse, persistante dans le verre.

Au nez, cet abondant col de mousse offre d'abord des arômes doux sur le caramel, très vite rejoints par des notes résineuses et de fruits exotiques prononcées.

En bouche, on retrouve ces notes caramélisées, mais de façon plus subtile. De fait, le corps est beaucoup plus axé sur les saveurs libérées par ces "houblons du nouveau monde", avec une certaine chaleur épicée et de fortes notes partagées entre agrume amère et résineux. L'amertume finale, prononcée, prolonge ces notes d'agrumes et de résine.

La tradition revisitée, telle pourrait être la description de cette bière. Nous avons là affaire à une bière de dégustation, sans conteste. grâce à ses agréables notes exotiques de houblons venus d'ailleurs. Elle révèle une certaine chaleur, qui la rend tout à fait agréable par temps frais. Mais il ne faut pas se priver de l'essayer bien fraîche en été. Et pourquoi pas avec de la charcuterie fumée, ou une salade d'agrumes.