dimanche 15 janvier 2017

La Dauphine, une robuste IPA

Descendons cette fois-ci en Isère, à Saint-Geoire-en-Valdaine, commune située au pied du Massif de La Chartreuse à une quarantaine de kilomètres au Nord de Grenoble. On rejoint la Brasserie Artisanale du Val-d'Ainan, une brasserie artisanale bien plus ancienne - du haut de ses seulement 10 ans - que la plupart des nouvelles brasseries qui nous entourent aujourd'hui, et semble être bien installée et développée. 

On peut notamment l'estimer en s'intéressant à sa gamme "La Dauphine". Celle-ci comprend une vingtaine de bières différentes, dont une dizaine de permanentes (classiques et spécialités), six saisonnières et trois à quatre "Cuvées du moment" (cuvées exceptionnelles brassées selon les envies du brasseur). Sans parler de l'eau-de-vie de bière (distillat de bières se rapprochant d'un whisky ou d'un Bourbon "mais plus doux", cf. site de la brasserie).

Il m'a été donné, au hasard d'un cadeau de Noël, de pouvoir goûter l'IPA de la gamme, style de bière à côté duquel peu d'artisans brasseurs qui se respectent se permettent de passer. Avec plus ou moins de succès... Et pour celle-ci, ce serait plutôt plus que moins ! 


Il s'agit ici d'une bière de fermentation haute, refermentée en bouteille. Elle est issue d'un mélange de malts pâle (le plus à même de transformer son amidon en sucres fermentescibles) et plus foncés pour le goût et la couleur. Elle est houblonnnée lors de l'ébullition, comme il est normal, mais aussi "dry hoppée", c'est à dire que du houblon est infusé dans la bière lors de la garde, procédé qui permettra au houblon concerné de développer à fond ses arômes (et non son amertume en revanche) dans la bière. Deux houblons sont utilisés : les américains Colombus (houblon amérisant par excellence, paraît-il, aux arômes d'agrume et légèrement boisés) et Centennial (houblon amérisant lui aussi, aux arômes fruités se rapprochant du pamplemousse). Autant dire qu'il faut s'attendre à une amertume costaude... Une bière qui titre 7% de teneur en alcool, ce qui en fait une bière semi-forte. A boire, à mon humble avis, aux environs de 6 à 7° C.

Au visuel, elle arbore fièrement une robe dorée trouble aux reflets tirant sur l'ambré, voire le cuivré. Elle est coiffée d'une tête de mousse blanche abondante, collant bien à la paroi du verre et longuement persistante. Avec ces éléments, on se dit que la dégustation débute plutôt bien...

Au nez, cette belle tête de mousse dégage des arômes prononcés de fruits exotiques (pourquoi pas de la mangue...) et d'agrumes. De légères pointes herbacées et résineuses peuvent également se faire sentir.

En bouche, l'entrée se révèle moyennement vive mais débouche sur un corps fruité puissant, entre fruits exotiques et agrumes amères. L'amertume envahit rapidement le palais. Comme prévu, elle se révèle puissante, tranchante, mêlant amertume de pamplemousse et petites notes résineuses qui ne gâchent rien. Une amertume puissante dont la sensation persiste très longuement en bouche une fois la gorgée avalée.

Si l'amertume vous fait grimacer, ne l'ouvrez même pas ! Si au contraire vous êtes amateur, La Dauphine IPA vous ravira. Une belle IPA, robuste, pleine de puissance fruitée et d'amertume qui ne peut pas laisser insensibles les connaisseurs et amateurs de ce style de bière. L'objectif des brasseurs, qui était d'exploiter la puissance amérisante des deux houblons américains, est atteint. Le bouquet fruité, marqué lui aussi s'équilibre donc plutôt bien avec la puissance de l'amertume. Une belle IPA. On peut tenter de la déguster avec du gibier, des viandes en sauce épicées, du poisson fumé, pourquoi pas un fromage de chèvre bien sec et, au dessert, une salade de fruits exotiques et/ou d'agrumes, ou tout simplement un bout de chocolat blanc.

Plus d'infos sur la brasserie : www.la-dauphine.fr

mardi 10 janvier 2017

Une American Pale Ale à Tours

Et c'est reparti pour un petit passage par la Compagnie Tourangelle de Bières, qui a récemment (novembre 2016) lancé une nouvelle représentante de sa gamme "Royale". Axée sur les types Anglo-Saxons et la finesse, cette gamme reste sur la même ligne avec, cette fois-ci, la mise en route de la "Royale American Pale Ale N°1".

"Qu'est-ce qu'une American Pale Ale ?", me demanderez-vous. Non ? Pas grave, on va quand même tenter de donner une explication plus ou moins claire. Promis, je ne serai pas trop long ! Il convient de se demander déjà ce qu'est une Pale Ale. Il s'agit d'un style anglais né à une époque où les ales anglaises (bières de fermentation haute anglaises faisant la part belle au malt) étaient ambrées ou sombres. L'idée était de brasser ce type de bière uniquement avec du malt pâle, donnant pour la première fois une bière bien plus claire (d'où son nom de "Pale Ale"). Titrant en général 5 à 6 % de teneur en alcool, ce type de bière est doux, rafraîchissant et savoureux, dégageant un bel équilibre entre le malt et ses notes de pain ou biscuitée (voire miellées) et le caractère plus fruité ou herbacé du houblon (selon le ou les houblon(s) utilisé(s) ). L'amertume y est aussi plus forte que dans les ales plus sombres. Eh bien, l'American Pale Ale est juste l'appropriation par les multiples artisans brasseurs américains de ce style, en y ajoutant leur touche. Une touche qui se caractérise, comme souvent outre-atlantique, par un houblonnage plus intense. Et on connaît les caractéristiques aromatiques et amérisantes prononcées des houblons américains (fruits exotiques, agrumes, fleurs, épices, résine...).

Voilà pour la petite explication pénible, on peut revenir à l'objet de ma petite bafouille. Un breuvage bel et bien français, mais se voulant une reprise du style "American Pale Ale". Voici donc : 

La Royale American Pale Ale N° 1


On a affaire ici à une bière artisanale, de fermentation haute et refermentée en bouteille. Elle est basée sur un mélange de malts Pilsen (malt de base, blond pâle, doux) et Munich 25 (malt un peu plus foncé, doré), accompagnés de froment. Au niveau du houblon, comme dit plus haut, on se concentre sur des houblons d'origine américaine : le cascade (variété aromatique d'Oregon, populaire auprès des brasseurs du monde entier, aux arômes de fleurs et d'épices), le Chinook (fruité aux fortes notes de pamplemousse, teneur en acides alpha relativement élevée, donc bien amérisant) et l'Amarillo (mélange d'arômes floraux et épicés, amertume marquée). Elle titre 5.6 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière légère, qu'on ne boira cependant pas trop fraîche, le bouquet agréable qu'elle dégage ne méritant pas cela... (plutôt 7-8° C.)

Au visuel, elle arbore une robe blond foncé, trouble aux reflets orangés. Elle est surmontée d'une tête de mousse blanche abondante, de texture crémeuse, collant bien à la paroi du verre (plutôt un beau gage de qualité) et bien persistante. 

Au nez, les arômes sont prononcés et persistants, qui mêlent des notes herbacées et fruitées d'agrumes. Le tout s'agrémente de touches résineuses sympathiques. Les brasseurs parlent aussi de notes de mangue : je ne les ai pas vraiment distinguées, mais mon expertise a ses limites... Cependant, vu les houblons utilisés, les arômes de mangue sont en tout cas plus que plausibles. 

En bouche, l'entrée modérément effervescente, fine, débouche sur un corps relativement puissant aux belles notes d'agrumes (pamplemousse, notes citronnées). L'amertume, marquée, mêle pamplemousse et notes résineuses. La persistance, longue, mêle agrumes et notes résineuses.

Une pale ale qui a bel et bien l'accent américain. Son bouquet plus que fruité et ses touches résineuses sont les caractéristiques on ne peut plus flagrantes de la présence de ces houblons si agréables. Sa texture fine, ses notes fruitées et son amertume agréable en font une bière aussi rafraîchissante qu'idéale à la dégustation. Les brasseurs la conseillent en accompagnement de plats asiatiques et épicés, mais aussi de fromages affinés à pâte cuite (Comté 20-24 mois, vieux Morbier, vieux Gruyère suisse...). Karim et Maxime, brasseurs de la CTB, poursuivent sur leur lancée, et il faut espérer que cela continuera. Rendez-vous (peut-être) pour la prochaine création.

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mercredi 4 janvier 2017

Elixkir a encore frappé !

Nous y revoilà ! Retour, une fois de plus, à la Brasserie Elixkir ! Ben oui, que voulez-vous, je n'y puis rien ! C'est de leur faute, ils ont encore réussi dernièrement à nous pondre un produit plutôt merveilleux ! 

Il y a peu, effectivement, Guillaume et Amélia ont laissé vagabonder leur imagination encore un cran plus loin lors d'un seul et unique brassin, ou brassin éphémère. Qui a donc donné, en toute logique, une cuvée... éphémère. Il s'agit de la première expérience d'une (on l'espère) longue série qu'ils ont décidé d'appeler "La Part des Hommes". Sous cette appellation, ils comptent nous présenter régulièrement de nouveaux brassins éphémères vieillis en fûts. Et ici, la base de cette première création est l'Elixkir triple. Jusque là, rien que de très normal, me dira-t-on. Mais c'est à partir de là que cela devient très intéressant. Ce brassin de triple a été mûri durant trois mois dans une barrique qui, auparavant, avait contenu... du Bourbon. Eh oui, rien que ça !
La voici :
L'Elixkir Triple Bourbon, " La Part des Hommes #1"


Il s'agit ici d'une bière dont la base est la triple classique d'Elixkir, donc une bière puissante de fermentation haute, refermentée en bouteille (pour la gazéification surtout). Mais entre le brassage et la mise en bouteille, a bien évidemment eu lieu la maturation en fût de Bourbon, et c'est là bien évidemment que tout se joue. Titrant avant sa maturation 8.8 % de teneur en alcool, aux dires de Guillaume, elle sort de la maturation en fût titrant 10.1 %. Et là, ma question a été - et vous vous la poserez peut-être aussi - de savoir pourquoi, comment, le pourcentage d'alcool par volume augmente comme cela. C'est le cas pour d'autres bières vieillies en fût, telles la Trignac de chez Kasteel qui est - je crois - la Kasteel Triple titrant 11 % vieillie en fût de Cognac, et titrant 12 % à la sortie. Là encore, Guillaume a pu me fournir deux grandes explications : d'une part, le bois du fûts de Bourbon est encore en partie imbibé de l'alcool du Bourbon ; d'autre part lors du vieillissement en barrique, la bière perd une partie de son eau par évaporation, ce qui a pour effet immédiat de voir augmenter le pourcentage d'alcool dans le produit. Voilà pour la petite explication un peu pénible (vous ne croyiez pas que vous alliez y échapper ? Pas à chaque fois quand même...). Bref, elle titre 10.1 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière très forte qu'on boira, à mon humble avis, plutôt à température quasi ambiante, du côté des 15-16° C.

Au visuel, sa robe est blond foncé, trouble, traversée de reflets ambre claire ; la mousse, blanche et fine, est collante, mais en revanche assez peu persistante.

Au nez, les arômes son prononcés et persistants. Le caractère moelleux et fruité de la triple classique se mêle à des pointes alcoolisées et aux arômes vanillés et boisés caractéristiques du bourbon. De petites touches caramélisées s'invitent au milieu de tout ça, ce qui ne gâche rien.

En bouche, l'entrée est liquoreuse, voire "épaisse" (si on me passe l'expression), et peu effervescente. Elle débouche sur un corps puissant et chaleureux où dominent les notes vanillées et caramélisées déjà détectées au nez, avec de petites touches boisées. Le tout s'accompagne d'une belle chaleur alcoolisée. L'amertume, suffisamment prononcée pour passer au-delà de la présence forte d'alcool, tranche avec la puissance et les notes moelleuses du corps. Elle est cependant éphémère, laissant la place à une persistance chaleureuse aux notes agréables de bourbon.

Que dire pour conclure ? Deux mots pour commencer : bière merveilleuse ! Affirmation à relativiser, puisqu'il ne s'agit ici que de l'une de mes premières expériences de dégustation de bière mûrie en barrique. Mais Elixkir ayant déjà fait montre de son talent sur d'autres styles de bière, je pense ne pas me tromper en affirmant qu'ils ont une fois de plus réussi leur coup. La barrique de bourbon dans laquelle cette triple a maturé a magnifiquement joué son rôle. Les notes vanillées, boisées, caramélisées s'y sont parfaitement développées. Le tout, mêlé de chaleur alcoolisée, en a fait un breuvage merveilleusement chaleureux. Que de superlatifs, me direz-vous ! C'est bien signe que l'expérience fut marquante... Ce brassin éphémère, peut-être déjà épuisé, laissera la place à d'autres, mûris en barrique ayant contenu d'autres breuvages. A suivre avec intérêt si vous êtes amateur(-trice) de bière forte mûrie en barrique.

Petit rappel pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur Elixkir : https://www.brasserieelixkir.fr/

On peut retrouver les bières d'Elixkir, à Dijon chez Bières des Terroirs, rue Crebillon, quartier Zola-Monge à Dijon (http://www.bieresdesterroirs.fr/).
Ou encore, pour l'Elixkir IPA et l'Elixkir ambrée, à la crémerie La Grapillotte, 26 rue Monge à Dijon ou 5 rue des Grandes Varennes à Ahuy.
Et bien sûr à la brasserie même, 9C rue de l'Artisanat à Couternon (21560)
Et peut-être chez d'autres, qu'ils se dénoncent...

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