lundi 28 mai 2018

Petit tour dans les Gorges

Petite idée pour cette nouvelle bafouille : je vous propose de sortir de Bourgogne et d'aller nous perdre dans le petit paradis que sont les Gorges du Verdon. Outre ses falaises escarpées, ses superbes paysages, ses routes carrément super étroites et ses petits villages accrochés aux flancs des gorges, cet écrin de nature renferme aussi, vous l'aurez deviné (ben oui, sinon pourquoi vous en parlerais-je ici ?), quelques trésors brassicoles.

Je vous amène, pour la bière de cette bafouille, dans la petite ville atypique de Moustiers-Sainte-Marie. Je ne suis pas allé chercher cette bière là-bas, celle-ci et l'une de ses sœurs étant venues jusqu'à moi. Mais une coïncidence de la vie a fait que j'ai pu visiter, il y a quelques années, cette petite commune qui a fait son nid dans la roche des Alpes de Haute-Provence. Comment ça on s'en fout de ma vie ? M'en fous aussi, je continue ! Ma première réflexion, en arrivant à Moustiers-Sainte-Marie, a été : "on dirait Minas-Tirith (cité du Seigneur des Anneaux, de Tolkien) en miniature". Oui bon, j'étais peut-être un peu geek, avant d'être beer geek... On ne peut pas être parfait à tout moment ! Bref, si vous en avez l'occasion, visitez cette petite ville étonnante adossée à la paroi, où l'Histoire et les hommes ont creusé et façonné tout un chemin entre les falaises menant à une petite chapelle, de laquelle s'étend un panorama qui vaut la peine de grimper jusque là. Je ne serais peut-être pas mauvais non plus, en guide touristique...

Bon d'accord, revenons à l'objet premier de cette bafouille. Parmi les petites productions brassicoles de la région, se trouve donc La Mouss'Terrienne. Il s'agit du nom de la gamme de bières artisanales brassées par les Apiculteurs Brasseurs du Verdon, basés bien évidemment - sinon je ne vous aurais pas soûlés avec ça... - à Moustiers-Sainte-Marie. Celle que je présente ici est la Mouss'Terrienne ambrée au miel. Il est difficile de trouver beaucoup d'informations sur ces bières et leur(s) producteur(s). Contentons-nous donc, à défaut de pouvoir faire l'aller-retour sur une après-midi, des infos de l'étiquette et du peu qu'il fut possible de glaner sur Internet. Cette ambrée, brassée donc à partir de malt pâle et d'autres torréfiés à plus haute température et plus foncés, est de fermentation haute et refermentée en bouteille. À quel moment intervient le miel ? Mystère, mais peut-être est-il utilisé, à l'instar de nombre d'autres bières au miel, pour la refermentation ? Mais tout cela n'est qu'hypothèse, je n'irai donc pas plus loin en conjecture. Elle titre en tout cas 7 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière semi-forte. On la dégustera, simple suggestion comme d'habitude, à environ 9-10° C : elle dégage un bouquet qu'il serait dommage de briser. 

La Mouss'Terrienne ambrée au miel


Au visuel, elle se pare d'une robe ambrée légèrement trouble aux reflets cuivrés et est parcourue d"une effervescence plutôt vive. Et elle se coiffe d'une tête de mousse blanc cassé à ivoire vive, de bonne tenue et bien collante en bouts de dentelles fines, bien persistante en un fin col.

Au nez, cette tête de mousse exhale des arômes prononcés d'épices (cannelle, clou de girofle...) et miellés, chaleureux. On peut percevoir, au second plan, une pointe toastée de malt.

En bouche, l'attaque est vive et débouche sur un corps puissant et astringent. De texture ronde et moelleuse, miellée, il développe des saveurs épicées marquées et chaleureuses, toujours sur la cannelle, les clous de girofle... Une touche toastée à briochée de malt ne se fait pas oublier, avant une fin de bouche à l'amertume herbacée très légère et peu persistante. En revanche, chaleur et saveurs épicées persistent plus longuement.

Il m'a rarement été donné de déguster une bière au miel aux saveurs épicées si prononcées et chaleureuses. La rondeur et le moelleux du corps sont les bienvenus pour contrebalancer cette puissance. Une bière étonnante qui élargit le champ de vision qu'on a habituellement de ce style, où la douceur prime en général. Bien que moins alcoolisée, elle m'a paru révéler plus de puissance en bouche que la bien connue Barbar. Une bière de caractère, à l'image de sa commune de naissance. En accompagnement, elle se mesurera bien à un fromage épicé tel que de la Tomme de brebis au piment d'Espelette, une tomme autrichienne aux fleurs sauvages ou encore au Saveur du Maquis (fromage de brebis corse, couvert d'un mélange d'herbes aromatiques agrémenté de petits piments rouges). Pourquoi pas encore un puissant Époisses ou un morceau de vieux Comté (30 à 36 mois).

La brasserie : 
Les Apiculteurs brasseurs du Verdon
Gaec BMV Scipion
Chemin de Melen
04360 Moustiers-Sainte-Marie
apiscipion@gmail.com
06 72 73 77 88



vendredi 11 mai 2018

La Roteuse fait aussi dans le "Brett"

Ben oui, encore La Roteuse ! Z'avez vraiment cru que j'allais enfin vous laisser tranquilles avec les compères de La Roteuse ? Eeeeh ben c'est pas pour tout de suite ! Pas ma faute si leurs bières ont ce petit quelque chose qui m'inspire ! Alors pour toute réclamation, s'adresser directement à Baptiste ou Antoine, Brasserie La Roteuse, RD 974, 21220 Brochon. Ils vous offriront une petite dégustation, et peut-être comprendrez-vous...

Ceci dit, je promets de me diversifier un peu dans les temps à venir.

Bon, l'intro c'est fait ! Mais il ne faudrait pas trop tarder à passer à l'objet de cette nouvelle bafouille. Beaucoup d'entre vous savent que La Roteuse a sorti il y a quelques semaines une gamme éphémère dont toutes les bières s'appellent "La Potion", quel que soit leur style. Mais que ceux qui ne connaissent pas se rassurent : chacune a pour nom "La Potion suivi du style que renferme la bouteille". Ouf ! Alors après La Potion Triple, après La Potion Triple vieillie en fût de Marc de Bourgogne, voici venir La Potion Triple Sour (z'avez vu comme je place bien mes autres bafouilles, au passage ?). Oui, ils aiment bien la triple... Voilà qui tombe bien, moi aussi !

"Sour ? C'est quoi ça sour ? V'là qu'il va encore nous embrouiller avec ses termes new wave of brewers !" Pas de panique, je vais tenter de définir le style en quelques mots.

Quelques heures après avoir rédigé ces derniers mots...

Après des heures de trifouillage dans les arcanes d'Internet et de mes quelques bouquins causant un peu de bière, j'ai dû me rendre à l'évidence qu'il est un chouïa compliqué de trouver une définition relativement accessible et courte. Il semble déjà difficile pour les brasseurs eux-mêmes de se mettre d'accord. Pour faire simple, disons déjà que "sour" est une traduction anglaise des termes "acide" ou "aigre". Ajoutons que le style "Sour" renferme un nombre incalculable de sous-styles de bières allant des lambics belges aux Berliner Weisse, en passant par les aigres rousses flamandes, ou encore les bières de garde assaisonnées de souches de levures Brettanomyces (levures d'origine sauvage). Il est une tendance récente au retour du "brett" et du "sour" dans le brassage artisanal. C'est expressément que je sépare ces deux termes car il n'est pas dit pour tout le monde chez les brasseurs que sour = utilisation de levures brett. C'est ce qui ressort (pour faire une très grosse généralisation qui vous évite, à vous pauvres lecteurs d'être assommés de trop d'infos indigestes ; et qui m'évite à moi, grosse feignasse, de trop en écrire) de mes quelques recherches. Mais aussi de mes propres expériences : il m'a été permis récemment de déguster deux Sour ales, venues de deux brasseries différentes. La première était issue d'une "collab" entre la Brasserie La Rustine et la Brasserie Artisanale de Cluny (toutes les deux dans le 71), dont l'acidité provenait uniquement de l'utilisation de bactéries lactiques avec fermentation haute. la deuxième fait l'objet de cette bafouille qui, je le sens, vous soûle déjà. La Potion Triple Sour est La Potion triple à laquelle Baptiste et Antoine ont laissé s'ajouter, suite à la fermentation haute, une souche de levure Brettanomyces indigènes. C'est-à-dire que ces levures Brett venaient directement de l'air ambiant, à une époque où tous les vignerons voisins étaient en période de vinification. Ce qui démontre que les brasseurs ont parfois... euh non... ont très souvent des perceptions différentes d'un même style de bière.

Pour des explications plus imagées, je vous invite à suivre le lien suivant, une vidéo tournée par "collègue" qui fait des vidéos sur la bière comme moi j'écris, intéressant et bien fait : Brewdog : découvrez Overworks. Vous y découvrirez, outre la nouvelle microbrasserie ouverte par Brewdog, d'autres explications venues d'un spécialiste des levures sauvages. Et il y est aussi question de "Potions"... 😉

Maintenant que j'ai perdu la moitié de mes lecteurs avec ce laïus, et que ceux qui sont restés ont une grosse migraine, j'ai une bonne nouvelle, je ne vous referai pas le coup d'expliquer la composition de cette bière puisque, comme je l'ai mentionné plus haut, la base est celle de la triple d'origine. La Potion Triple Sour titre, comme sa grande soeur, 7% de teneur en alcool. C'est une bière semi-forte qu'on dégustera peut-être un peu plus fraîche que sa devancière, aux alentours des 6-7° C.

La Potion Triple Sour

SI je vous assure que c'est une photo différente de celle prise pour La Potion Triple vieillie en fût de Marc de Bourgogne...
Au visuel, cette Potion se pare d'une robe blond foncé trouble aux reflets ambre très claire. Elle se coiffe d'une tête de mousse blanc cassé abondante, de texture crémeuse et un peu "rocailleuse" (j'entends, par ce terme très personnel, "qui ne s'atténue pas de façon uniforme mais par morceaux"), très collante au verre en larges dentelles, et bien persistante.

Au nez, cette belle tête de mousse dégage des arômes prononcés, caractéristiques de ceux amenés par les levures Brett : acidulés et fruités notamment sur la pomme verte, voire la pomme pas mûre. Le tout s'accompagnant de tons légèrement vineux de mousseux et de cidre.

En bouche, on attaque avec une légère et très fine effervescence donnant sur un corps de texture riche et ronde, presque onctueux. Il dégage cependant une certaine puissance acide et fruitée, toujours sur ces pommes jeunes avec des tons pouvant presque faire penser à un cidre. Mais on est tout de même sur une bière charpentée et qui affiche un certain caractère malté en arrière-plan avec des notes biscuitées et très légèrement miellées. De cette acidité, on passe à une amertume herbacée marquée et persistante, accompagnée tout de même d'une touche chaleureuse. On note que la chaleur de la triple d'origine est largement atténuée par l'acidité du corps, qui aurait plutôt tendance à rendre cette bière rafraîchissante et, dès lors, "dangereusement buvable".

Cette Potion Triple Sour présente certaines caractéristiques de la triple d'origine avec la puissance, la rondeur et la chaleur du breuvage. Certaines choses changent :
  • une effervescence plus fine et une tête de mousse plus compacte et crémeuse, plus collante et persistante aussi ;
  • une acidité marquée sur les fruits comme la pomme, des tons cidrés et vineux, le tout reléguant au second plan toutes les notes maltées caractéristiques de la triple. 
  • les tons épicés de la triple d'origine m'ont semblé avoir disparu.
Bref, le mélange triple et sour à la sauce Roteuse me paraît valoir le détour, surtout sachant qu'il s'agit d'une première expérience avec tous les aléas qu'implique l'utilisation de levures Brett indigènes. À accompagner, pourquoi pas, d'un fromage bleu sec et puissant comme le Stilton ou le Bleu de Gex. Mais cela peut aussi être un morceau de vieux Gruyère suisse bien puissant. Pourquoi pas aussi avec de la charcuterie fumée. Attention, quantités limitées à la brasserie !





samedi 5 mai 2018

Exotisme à la Brasserie des Ducs

Je ne vous présente plus ni la Brasserie des Ducs, ni Vanessa Cirillo, ni Luc Bon, cela a déjà largement été fait et diffusé ces dernières semaines dans ces pages. Pour ceux qui auraient un trou de mémoire ou n'auraient pas suivi, aventurez-vous ici : Et voici venir la Brasserie des Ducs ! Je peux cependant continuer à vous présenter leurs petites créations sympa. 

Passons pour cette bafouille à la gamme Hop'Stination ! Au-delà du jeu de mot relatif à "obstination", il y a surtout "hop" dans le nom de cette gamme. Ce qui doit mettre la puce à l'oreille des amateurs sur le style de bière que comprendra cette gamme. Sauf peut-être pour ceux qui ne parleraient pas Anglais : ben oui, hop = houblon. Donc, élémentaire mon cher Zythos, Hop'Stination présentera des bières bien houblonnées et suffisamment pour diffuser des saveurs fruitées, ou florales, ou herbacées, ou épicées, ou... tout ça en même temps. Et effectivement, la présente bafouille sera consacrée à la Hop'Stination India Pale Ale.

Cette sympathique IPA est brassée à base de plusieurs malts différents :

  • du malt Pale Ale aux flaveurs à dominante de pain, de fruits confits et de miel ; 
  • du malt Caravienne, malt très populaire en Belgique (les stages de formation en Belgique ont vraiment laissé des traces... 😉) qui ajoute de la couleur à la bière, lui amène du corps et des notes toastées ; 
  • du malt Munich, malt riche et doré offrant un mélange de notes panifiées, caramélisées et miellées. 
Mais nous avons affaire à une IPA (je répète pour ceux qui n'auraient pas compris...), ce qui implique qu'une grande place doit être faite aux houblons. Trois sont utilisés dans l'IPA susnommée :

  • le houblon britannique Admiral en amérisant, houblon aux arômes fruités d'abricot et d'orange, notamment utilisé pour le brassage des ales anglaises mais pas incompatible avec celui des IPA, vous l'aurez compris ; 
  • le houblon américain Mosaïc, né en 2012 du croisement des houblons Simcoe et Nugget, particulièrement indiqué pour les IPA du fait de sa complexe palette aromatique fruitée (des agrumes aux fruits exotiques en passant par les fruits rouges) et végétale (notes herbacées, terreuses, de pin...) ; 
  • le houblon américain Citra, aromatique donnant à la bière des notes de pêche et d'agrumes. 
Il est à noter que ce dernier houblon est aussi utilisé en phase de dry hopping, ce qui lui permet de diffuser à fond ses arômes sans risque d'évaporation. De fermentation haute, elle est refermentée en bouteille. Une fois prête, elle titre 6.5 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière semi-forte. On la dégustera plutôt fraîche, mais surtout pas glacée (on ne le répétera jamais assez...), autour des 6-7°C à mon humble avis. C'est actuellement la bière à la teneur en alcool la plus élevée en alcool de la brasserie. Mais, si j'ai bien compris, Luc et Vanessa ne comptent pas s'arrêter là. En effet, dans l'avenir ils comptent brasser une...

Vous avez vraiment cru que j'allais vous le dire ? Faudrait déjà que je connaisse moi-même leurs projets... On saura ça en temps voulu.

Bref, la voici !

La Hop'Stination India Pale Ale


Au visuel, cette bière arbore une robe dorée légèrement trouble aux reflets ambre claire, surmontée d'une tête de mousse épaisse et compacte, parsemée de grosses bulles. Bien collante en longues et larges dentelles, elle persiste longuement en un fin col.

Au nez, cette tête de mousse exhale des arômes fruités aux notes exotiques mêlant mangue, ananas, orange... Une petite touche florale et une pointe résineuse sont perceptibles, ainsi que des notes toastées à biscuitées.

En bouche, l'entrée est légèrement vive et débouche sur un corps rond d'effervescence légère, mais aux saveurs plutôt puissantes, fruitées, où l'on retrouve le malt biscuité et toasté, et des notes exotiques de mangue et d'orange. Une pointe résineuse précède une amertume aux saveurs se partageant entre agrume amère et herbacée, marquée et tranchante, bien persistante. 

Un joli brin d'exotisme dans la plaine de Longchamp que cette IPA (pour ceux qui n'avaient pas capté que c'était une IPA...). De la mangue, de l'orange, une certaine puissance, une amertume d'agrumes prononcée, tout ce qui fait une bonne India Pale Ale classique. Elle se double d'un côté rafraîchissant qui ne gâche rien. Alors, à essayer ! Elle accompagnera bien un plat de volaille douce en sauce, pourquoi pas avec du poisson grillé au barbecue, un peu de Langres ou de la Tomme aux fleurs sauvages, pourquoi pas du gâteau au fromage blanc (saveurs douces et citronnées) ou encore un cheese cake aux agrumes.

Petit rappel pour ceux qui veulent en savoir plus sur la Brasserie des Ducs : 

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