mardi 27 février 2018

Two Dudes et une lager

"Ah, une brasserie britannique ? Etatsunienne ? Ou australienne ?", vous demanderez vous peut-être. Eeeeh ben non ! Il s'agit ici d'une brasserie on ne peut plus bourguignonne. "Two Dudes - Brasseur & Cuisinier", tel est le nom de cette petite entreprise âgée d'à peine quelques mois et basée à Tournus, en Saône-et-Loire. "Two Dudes" semble vouloir dire "Deux mecs" : le premier s'appelle Pierre, et le deuxième... Amandine... Bé oui, les Two Dudes sont en fait un gars et une fille. Je leur laisse le soin de vous expliquer la blague si un jour vous allez les voir. A ce que j'ai pu comprendre, ce nom leur viendrait de leur vie d'avant. "Brasseur et Cuisinier" car Amandine et Pierre, avant d'être brasseurs, sont issus du monde de la restauration. Ils se sont connus à Londres chez Joël Robuchon, et sont passés par les cuisines de grands chefs aux USA et en Australie. Donc si cette brasserie est bien bourguignonne, ses brasseurs ont pas mal parcouru le monde, eux. (source : Two Dudes... deux mecs (dont une fille) qui brassent et cuisinent) Et ils ont forcément accumulé nombre de connaissances culinaires et, sûrement, au niveau des accords mets-bières. 

Alors depuis quelques mois, ils proposent à la vente non seulement une gamme de cinq bières appelée "La Rue du Boeuf", mais aussi des repas au sein même de la brasserie avec accords mets-bières, pour 2 à 10 personnes. Et prochainement, il est prévu qu'ils proposent même des cours de brassage et de cuisine. Mais pour plus de détails sur toutes ces activités, je vous renvoie à leur site Internet, bien conçu et plein d'informations : www.twodudes-brasserie.com

Cinq bières, cinq styles différents, dont voici le premier que j'ai pu déguster suite à ma visite éclair à la brasserie il y a quelque temps. Il s'agit d'un style qu'on trouve rarement chez les artisans-brasseurs : une lager. C'est-à-dire une bière de fermentation basse alors que l'écrasante majorité des bières artisanales sont de fermentation haute. Il s'agit donc d'une originalité. La "#13 Fresh is Best" - c'est son nom (numéro du brassin lors duquel la bière fut créée) - est une lager. Refermentée en bouteille et non-filtrée, à la différence des bonnes vieilles lagers allemandes, elle titre 4.9 % de teneur en alcool. C'est donc une bière légère qu'on dégustera mieux, comme son nom l'indique, "fresh", aux environs de 5-6° C. A mon humble avis du moins...

La voici : 

"La Rue du Boeuf #13, Fresh is Best"


Au visuel, la robe est blond foncé légèrement trouble aux reflets dorés à ambre claire traversée d'une vive effervescence. Elle se coiffe d'une tête de mousse blanche abondante, compacte faisant penser à des oeufs en neige, bien collante en longues et larges dentelles, bien persistante en un épais col.

Au nez, de cette mousse s'échappent des arômes doux où les notes de malt sont bien présentes et se traduisent par des arômes de pain frais. Elles sont équilibrées par des notes fruitées où l'on sent des arômes de pomme verte (l'indication des arômes sur l'étiquette a aidé, mais je la confirme plutôt deux fois qu'une), ainsi qu'une pointe épicée. 

En bouche, l'entrée est vive et rafraîchissante avec une fine effervescence. Elle débouche sur un corps de texture plutôt légère, plus riche toutefois que celui d'une typique lager allemande, et avec un caractère plus affirmé de surcroît. Ses saveurs sont moelleuses, fruitées toujours sur la pomme verte effectivement, et maltées sur les céréales panifiées. Le tout est relevé par de discrètes notes épicées (poivrées) avant une amertume de fin de bouche herbacée d'intensité modérée. Elle persiste en bouche sur ses tons herbacés et épicés. 

Une lager artisanale qui, pour être agréable pour le rafraîchissement et la détente, l'est aussi pour la dégustation en elle-même avec des saveurs affirmées et un caractère certain. Pour ce style de bière hein ! Que l'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : ne vous attendez pas au caractère et à l'intensité d'une triple ou d'une quadruple... Par rapport à nombre de bières du même style, ou de la même catégorie, cette "Rue du Boeuf #13" fait preuve de plus de puissance gustative en étant tout aussi rafraîchissante. Bref, sympa quoi ! 😉 Accompagnez-la, en espérant ne pas dire de bêtises grosses comme moi aux yeux des brasseurs-cuisiniers de Tournus, d'amuses-bouches légèrement épicés, de charcuterie aux herbes (jambon persillé, jambon rôti aux herbes type Rostello), ou encore de fromages doux ou fruités (Tomme douce du Jura, du Comté fruité 12 à 18 mois, du chèvre frais, de la Tomme aux fleurs sauvages...).

Petit rappel pour ceux qui veulent en savoir plus sur "Two Dudes - Brasseur et Cuisinier" : www.twodudes-brasserie.com

ZA du Pas Fleury
71700 Tournus
06 88 81 61 39
contact@twodudes-brasserie.com

vendredi 23 février 2018

Elixkir fait aussi dans le dessert

Ce n'est pas, loin de là, l'une des dernières nouveautés de la Brasserie Elixkir (que je ne vous présente plus...), mais j'ai mis du temps à la déguster dans de bonnes conditions. Il est question ici de la Tirami Stout, création ponctuelle de Guillaume et Amélia. Ils l'avaient déjà brassée une fois l'année dernière, j'avais pu la déguster sans pouvoir en tirer une analyse concluante. Alors comme ils en ont ressorti une tournée récemment, c'était l'occasion. Une création ponctuelle comme je l'ai déjà indiqué, et disponible "selon l'humeur des brasseurs", alors ne surtout pas hésiter à les suivre régulièrement afin de connaître leur humeur... 😉

Alors qu'est-ce que cette Tirami Stout ? Une bière, comme son nom l'indique, du style "Stout". Ses bières, dont la représentante la plus connue est la Guinness, sont des bières noires issues du brassage de malt pâle bien évidemment (pour donner l'alcool), ainsi que de quantités plus ou moins importantes, selon l'inspiration des brasseurs, de malts foncés et torréfiés à la façon du café. Ce style est apparenté au style Porter, que j'ai tenté de définir dans une précédente bafouille, déjà à propos d'une Elixkir : L'Elixkir Porter, un autre style historique. Il s'agirait en fait, en essayant de ne pas dire de bêtises grosses comme moi, d'un type de Porter mais plus épais ou onctueux, plus corsé, voire plus fort en alcool que le Porter classique. D'où le nom de "Stout Porter" qui lui fut donné, puis de Stout tout court. 

Alors qu'est-ce cette Tirami Stout ? C'est donc une bière dont la base est celle d'un stout. Mais cette base a été agrémentée d'ajouts... Bé oui, pourquoi croyez-vous qu'elle s'appelle "Tirami Stout" ? Pas uniquement pour faire joli et montrer qu'ils savent être créatifs jusqu'aux noms de leurs bières ! Fidèles à la créativité dont ils savent faire preuve depuis leurs débuts, Guillaume et Amélia ont entrepris d'ajouter du cacao et du café. Ce qui a le don d'accentuer les saveurs déjà présentes dans ce style de bière. De fait lors de la mise à maturation de la bière, c'est-à-dire après la fermentation, ils ont ajouté les fèves torréfiées de deux cafés différents, ainsi que des fèves de cacao préalablement torréfiées elles aussi mais concassées en plus. Les cafés utilisés sont du Moka Harrar et du Guatemala Maya. Le Moka Harrar provient d'Ethiopie et, puissant, il révèle des saveurs corsées de moka. Le Guatemala Maya, dont la provenance est comprise dans le nom, est décrit comme harmonieux et développant des saveurs épicées (poivre, cardamome) et fruitées. Enfin, les deux brasseurs ont aussi ajouté, mais lors de l'ébullition donc avant la fermentation, du Mahaleb : une épice aromatique douce-amère qu'on obtient à partir du noyau de la cerise noire de l'arbre qu'on appelle le "Bois de Sainte-Lucie", et qui nous vient du Moyen-Orient. Tout cela mis à part, il s'agit comme ses soeurs d'une bière de fermentation haute, refermentée en bouteille. Elle titre 6.5 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière semi-forte. On la dégustera, à mon humble avis, aux environs des 9-10° C. 

Alors qu'est-ce que cette Tirami Stout ? Une bière ou un dessert ? En tout cas, la voici : 


Au visuel, c'est une bière à la robe noire quasiment opaque qui s'offre aux yeux, traversée de très faibles reflets rubis. Elle se coiffe d'une tête de mousse brun clair, couleur mousse d'espresso, compacte parsemée de grosses bulles. Légèrement collante à la paroi en larges dentelles, elle persiste bien en un fin col.

Au nez, ce sont des arômes bien évidemment de style corsé qui montent, aux notes de chocolat noir et de café qui, lorsqu'elles se mêlent donnent des arômes de moka. Le café domine toutefois, entre café moulu et espresso. 

En bouche, l'entrée est légèrement effervescente et douce. Elle débouche sur un corps onctueux et riche, aux saveurs chocolatées et de café sucré, légèrement acidulées pour un caractère moka prononcé. Il se transforme ensuite en un condensé de fortes notes grillées et torréfiées, accompagnées d'une pointe épicée et de fruits noirs. L'amertume de fin de bouche, grillée comme il se doit, s'avère plutôt légère pour ce type de bière. Elle laisse la place, pour une persistance longue, à de belles notes de moka.

Alors qu'est-ce que cette Tirami Stout ? C'est bel et bien une bière : non, Elixkir ne fait pas encore réellement dans la pâtisserie, rassurez-vous. Mais c'est aussi un dessert, un moka. Pour le tiramisu, on repassera, il manque quand même la Mascarpone... En tout cas, on y est pour le côté onctueux et crémeux. Mais c'est aussi un café avec de belles saveurs torréfiées. La Tirami Stout pourrait terminer un repas à elle toute seule. Mais rien n'empêche de l'accompagner d'un vrai tiramisu, d'un moka ou d'une mousse au chocolat. A vous de voir...

Petit rappel pour ceux qui veulent en savoir plus sur Elixkir : https://www.brasserieelixkir.fr/

On peut retrouver les bières d'Elixkir à Dijon, chez Bières des Terroirs rue Crébillon, quartier Zola-Monge (http://www.bieresdesterroirs.fr/).
Ou encore, pour l'Elixkir IPA ou l'Elixkir ambrée, à la crémerie La Grapillotte, 26 rue Monge à Dijon, ainsi qu'à la crémerie-restaurant La Grapillotte, 5 rue des Grandes Varennes à Ahuy (21121).
Et bien sûr à la brasserie même, 9C rue de l'Artisanat à Couternon (21560).
Et sûrement chez bien d'autres que je ne connais pas, qu'ils se dénoncent ! ;-)

A lire aussi : 


mardi 13 février 2018

Cervoisétorix 10 ans d'âge : impressionnant !

Ma dernière bafouille était consacrée à deux dégustations un peu particulières : deux bières de la Brasserie Burgonde (Vitteaux) : une blonde et une ambrée vieilles de près de quatre ans (La Vitteaux vieillit plutôt bien). L'impression avait été positive et confirmait ce que la brasserie annonce depuis toujours : les bières de Vitteaux se conservent bien et, en tant que bières vivantes, sont évolutives dans le temps. Non seulement c'est le cas, mais de surcroît elles se conservent bien après l'obligatoire DLUO (Date Limite d'Utilisation Optimale) annoncée sur les bouteilles. Ce qui rend cette obligation de DLUO un chouïa insensée...

J'ai fait parvenir cette bafouille à Nicolas Bretillon et Emmanuel Prost, dirigeants de la brasserie. Et en récompense et remerciement pour ces dégustation et écrit plutôt rares, j'ai eu l'honneur de pouvoir déguster une Cervoisétorix brassée lors de leurs débuts en tant que Brasserie Burgonde... en 2008 ! C'est Emmanuel qui m'a remis cette vieille de la vieille. Il m'a confié qu'elle venait d'un carton qu'il avait décidé de garder en 2008 afin de voir comment elle évoluait dans le temps. J'étais donc devenu possesseur de la deuxième bouteille sortie dudit carton. La DLUO de cette bouteille allait à mai 2010, ce qui ramène son brassage à mai 2008. Comme la blonde et l'ambrée analysées précédemment, elle a été conservée dans les meilleures conditions : debout, à l'abri de la lumière et au frais d'une cave.

Comme il y avait longtemps que je n'avais plus bu de Cervoisétorix, je ne pouvais pas me permettre de faire un comparatif comme ça. Un peu de sérieux ! J'ai quand même affaire, ici, à un monument de bière vieillie. 

Je ne pouvais donc que m'empresser d'aller acheter une Cervoisétorix actuelle afin de m'adonner à un exercice peu régulier : une petite dégustation comparative. La Cervoisétorix ? Une particularité qu'on trouve peu dans la région, brassée comme une bière du temps des Gaulois ! Plus sérieusement, comme une bière brassée avant la généralisation du houblon, qu'on situe aux alentours des XIVe-XVe siècles. Avant cela, la grande majorité des brasseurs considéraient le houblon uniquement comme une mauvaise herbe, et assaisonnaient leurs bières avec des mélanges d'épices, d'herbes et de fleurs qu'on appelait le gruit. Il pouvait varier selon les lieux et les époques. A cette époque, et depuis l'Antiquité et le (fameux) temps des Gaulois, on appelait la boisson fermentée à base d'orge et de gruit de la cervoise. La Brasserie Burgonde est revenue sur cette tradition ancienne avec sa Cervoisétorix, issue du brassage de malts d'orge et d'un assaisonnement d'herbes, de fleurs et d'épices que Nicolas ne m'a pas révélé à l'époque où nous nous sommes rencontrés. Tout juste, si j'ai bon souvenir, m'avait-il confié qu'une toute petite quantité de houblon était tout de même ajoutée en complément de l'assaisonnement. Et certainement pour une meilleure conservation, le houblon étant un agent conservateur d'une grande efficacité. De fermentation haute, elle est refermentée en bouteille. Elle titre 6 % de teneur en alcool, ce qui en fait une biè... euh une cervoise semi-forte. Actuelle, elle se déguste bien à 6-7° C. Vieille de dix ans, elle se laissera boire à température de cave. 

Voici la jeune 


Au visuel, la jeunette se pare d'une robe d'un blond pâle à doré en remontant du bas vers le haut du verre, avec un trouble marqué traversé de reflets dorés. La tête de mousse est blanche, abondante et plutôt compacte, collante en longues dentelles, bien persistante.

Au nez, cette mousse dégage des arômes aux notes fruitées, citronnées, florales aussi, et avec un caractère épicé marqué. Une pointe vanillée et légèrement miellée adoucit le tout. 

En bouche, l'entrée est vive. Elle débouche sur un corps de texture légère, fruité et légèrement acide, aux saveurs citronnées et épicées marquées d'abord, suivies de notes plus douces et plus discrètes, entre florales et miellées à vanillées. L'amertume de fin de bouche est légère et herbacée, de courte persistance, laissant la part belle aux épices. 


Voici la vieille peau

La DLUO, cochée au marqueur, à l'ancienne quoi...

Avant même le versement, à l'ouverture de la bouteille, l'effervescence se montre très vive.

Au visuel, la robe est d'un blond foncé tirant sur l'ambré. Le trouble est bien plus important que pour la petite jeune, et marqué par une grande quantité de dépôt en suspension : Emmanuel m'a dit qu'à l'époque, le dépôt de levure était plus important qu'aujourd'hui, alors imaginez avec dix ans d'âge... La tête de mousse, elle aussi, est plus foncée, blanc cassé. Elle se montre exubérante, avec de grosses bulles, mais s'atténue rapidement, colle très peu au verre et ne persiste pas. Encore une différence avec la petite jeune, dont la mousse persistait bien. Mais le phénomène n'est certainement pas étonnant chez une bière aussi vieille : je l'avais déjà observé lors de ma dégustation des blonde et ambrée de quatre ans d'âge. 

Au nez, les arômes sont doux, maltés, ce qui se traduit par des notes biscuitées et miellées. On distingue aussi des arômes fleuris évoquant les fleurs sauvages, ainsi que des notes fruitées acidulées évoquant la pomme verte. Enfin, une pointe épicée marquée environne le tout. Le malt est plus présent aux arômes que chez la petite jeune. Le caractère citronné s'est transformé en arômes acidulés davantage axés sur la pomme. Les notes miellées et les épices sont toujours aussi présents. 

En bouche, l'entrée se révèle très vive pour une bière de dix ans d'âge. De là, on débouche sur un corps à la texture plus riche et consistante que celui de sa lointaine héritière. Un corps puissant, d'abord acide à la façon d'une Gueuze, avec toujours ces petites notes de pomme verte. Mais cette impression d'acidité s'atténue rapidement, laissant la place à des saveurs biscuitées et miellées prononcées. Les saveurs florales sont atténuées par rapport à la Cervoisétorix actuelle, mais encore bien présentes. Le caractère épicé est encore prononcé, voire même plus intense chez la vieille que chez la jeune. Le tout donne un corps puissant et relevé. Malgré ses dix ans d'âge, son amertume herbacée est encore bien perceptible mais ne persiste pas. La persistance est laissée aux notes épicées qui donnent une fin de bouche longue et chaleureuse.

Boire une bière de dix ans d'âge - une première pour moi - est déjà impressionnant en soi. Mais j'ai aussi été impressionné par l'évolution de cette Cervoisétorix. Emmanuel m'a dit que la recette avait connu certains petits changements depuis 2008, mais la base reste la même. La robe et la mousse ont foncé, l'effervescence est restée intacte, le corps s'est fortement enrichi et n'a plus sa légèreté d'antan, il se révèle aussi bien plus chaleureux. D'une cervoise de texture légère aux saveurs florales rafraîchissantes bien qu'épicées, on est passé à un breuvage de dégustation complexe, puissant et chaleureux. Impressionnant, tel est le mot que j'ai trouvé pour décrire le degré de maturité atteint par la Cervoisétorix. Je n'ai aucun point de comparaison, me direz-vous, et vous n'aurez pas tort... Mais il faut bien commencer quelque part. Alors merci à Emmanuel et Nicolas, de la Brasserie Burgonde, de me l'avoir permis !

vendredi 2 février 2018

La Vitteaux vieillit plutôt bien

J'ai fait part, il y a quelques mois, de mes notes de dégustation concernant la Vitteaux ambrée. J'en avais fait de même il y a pas loin de deux ans et demi avec la Vitteaux blonde. Je vais revenir sur ces deux bières dans la présente bafouille, mais pour une dégustation un peu plus particulière cette fois-ci. J'ai effectivement eu la chance, il y a peu, de récupérer deux bouteilles de Vitteaux, conservées en cave depuis bien trois ans dans des conditions de vieillissement idéales (debout, à température constante et fraîche, à l'abri de la lumière) : une ambrée et une blonde. La DLUO de l'ambrée allait en mars 2016. Ce qui veut dire, si je me base sur les DLUO pratiquées par d'autres artisans-brasseurs, qu'elle a donc été brassée un an et demi à deux ans auparavant. La DLUO de la blonde l'emmenait en juin 2016. Je peux donc supposer qu'elles étaient donc âgées de trois ans et demi à quatre ans. 

Voilà qui fait déjà un âge assez avancé pour des bières artisanales classiques. Pour ma part je n'ai que très  (trop ?) rarement bu des bières aussi âgées. Depuis que je la connais, la Brasserie Burgonde a toujours vanté ses produits comme vieillissant bien et évolutifs dans le temps. Mais, allez savoir pourquoi, je n'étais jamais arrivé à faire vieillir les bouteilles que je gardais pour moi... Jusqu'à ce que je découvre ces deux orphelines qui avaient été oubliées dans une cave, et que j'ai pu récupérer. M'arrivaient ainsi, non pas tombées du ciel mais surgies de sous terre, une Vitteaux blonde et une Vitteaux ambrée vieilles de près de quatre ans. Quelle meilleure occasion de les déguster enfin vieillies !

Pour preuve, les étiquettes ci-dessous, encore de l'ancienne génération : 

La Vitteaux ambrée (on remarque les encoches indiquant bien Mars 2016)
La Vitteaux blonde (encoches à juin 2016)

Vitteaux ambrée vieillie

Au visuel, la robe est ambre claire et trouble avec un dépôt important, et traversée de reflets cuivrés. La tête de mousse, blanc cassé, est très vive à l'ouverture de la bouteille et lors du versement avec de grosses bulles. Elle s'atténue rapidement, colle très peu et ne subsiste qu'en un fin anneau le long de la paroi du verre.

Au nez, on sent un bouquet doux aux arômes caramélisés et miellés, accompagnés de notes de fruits cuits, en marmelade, et de fruits secs. Le tout accompagné d'une pointe épicée prononcée.

En bouche, l'entrée est vive et débouche sur un corps de texture légère mais aux saveurs relevées de fruits secs et de fruits cuits ou alcoolisés, liquoreux (pêche de vigne, prune...). Une belle puissance, alimentée aussi par des notes épicées et alcoolisées prononcées et chaleureuses. Elle s'arrondit légèrement d'une touche caramélisée. L'amertume de fin de bouche a presque disparu, subsistant par de légers tons herbacés. L'ensemble persiste peu en bouche malgré sa puissance. 


Vitteaux blonde vieillie

Au visuel, on voit une robe blonde dorée, légèrement trouble, aux reflets dorés. Tête de mousse blanche vive au versement. Peu collante, elle s'atténue rapidement et ne persiste que très peu de temps.

Au nez, elle dégage des tons miellés clairement perceptibles, assortis de notes maltées se traduisant par des arômes toastés. Une légère touche florale conclut le tout.

En bouche, l'entrée est vive et  dévoile un corps plutôt puissant aux saveurs miellées affirmées, agrémentées de notes de fruits confits et cuits, à travers lesquelles l'alcool se fait sentir plus fortement que dans la blonde classique. Il prend la place de l'amertume, largement atténuée avec le temps et très peu persistante. Ce qui rend cette bière plus chaleureuse que d'ordinaire quand on la boit jeune, avec des notes alcoolisées se faisant davantage sentir et persistant assez longuement.

La dégustation de ces deux vieilles peaux de près de quatre ans s'est révélée être une agréable expérience. Loin d'être "passées", elles se sont avérées plus puissantes avec le temps que leurs soeurs beaucoup plus jeunes. Des saveurs plus corsées dans les deux, un alcool plus perceptible qui les rend plus chaleureuses. On ne peut bien évidemment pas échapper à l'atténuation des effets des houblons utilisés, notamment celle de l'amertume. C'est ainsi : toute bière qui vieillit perd la plus grande partie de son amertume. Donc, rien que de très normal. La mousse, elle aussi, se comporte de façon différente. De fait, là où elle se révélait compacte, bien collante et persistante, ces deux bières vieillies ont vu leur mousse devenir très vive à l'ouverture de la bouteille et au versement dans le verre, peu collante et peu persistante. Peut-être aussi l'un des effets du temps. Mais cela n'enlève rien à la qualité gustative de ces bières qui, effectivement, vieillissent bien, du moins lorsqu'elles sont conservées dans les conditions idéales d'une cave fraîche et sombre. Je vous invite à tenter d'en conserver dans ces conditions, même si je comprends toute la difficulté de conserver ces bières aussi longtemps sans les boire...

Lire aussi :