dimanche 22 juillet 2018

Une belge, une Vrééé de Vrééé

Il y a peu, au hasard du passage pas loin de la famille venue de Belgique, m'est arrivée une belle inconnue. Elle provenait d'une brasserie artisanale tout aussi inconnue de mes services : l'Authentique Brasserie, basée à Blaton, dans le Sud de la Belgique, à l'Ouest de Mons et à quelques encablures de la frontière avec la France. Pour ce qui est de la belle inconnue - ne l'oublions pas quand même... -, elle s'appelle La Vrééé Blonde. C'est-y pas un nom sexy ça ? 

Une expérience agréable qui m'a démontré autant que rappelé que scène brassicole belge ne rime plus depuis longtemps uniquement avec les productions des plus grosses brasseries, désormais devenues des classiques pour n'importe quel grand amateur français de bières : Duvel-Moortgat, les abbayes trappistes, Lefebvre, Dupont, Palm, Van Honsebrouck, De Halve Maan et j'en passe beaucoup... Je n'en suis pas à ma première expérience des artisanales belges. J'en ai déjà évoqué dans ces pages ces trois dernières années : la Brasserie Minne (anciennement Brasserie de Bastogne, ou La Troufette), la Brasserie ardennaise de La Gleize et sa gamme "La 44", les Bobelines de Spa, De Dochter-Van de Korenaar et ses Bravoure, Noblesse et autres... Mais ce n'est qu'un minuscule aperçu d'une scène brassicole artisanale qui regorge sans doute de tout autant de trésors que par chez nous. Et il était de bon ton que cela me soit rappelé pour élargir mon champ d'expériences un peu trop franco-français, voire bourguignonno-bourguignon. Pour ne pas non plus oublier mes origines. Enfin, pour constater une fois de plus avec plaisir que le monde brassicole belge ne s'est pas endormi sur ses glorieux lauriers et a, lui aussi, pris le train de la révolution micro-brassicole mondiale initiée aux States il y a pas loin d'une quarantaine d'années. 

Revenons à notre belle inconnue. Elle est brassée à base de malts d'orge et de froment et, bien évidemment, houblonnée avec... ben je ne sais pas ! A se demander de quoi ont peur les brasseurs qui n'indiquent pas le nom de leurs ingrédients... Bref, ce n'est pas grave et ce n'est pas le plus important. De fermentation haute, elle est refermentée en bouteille. À la sortie, elle titre ainsi 6 % de teneur en alcool. Une ale semi-forte donc, qu'on dégustera aux environs de 7-8° pour ne rien en perdre.

La Vrééé Blonde


Au visuel, elle offre aux yeux une robe d'un blond foncé tirant sur l'ambre claire, au léger trouble et aux reflets dorés intenses. Le tout agrémenté d'une vive effervescence, fine et serrée. Sa tête de mousse blanche abondante est bien collante en épaisses et larges dentelles, et de longue tenue en un épais col. 

Au nez, cette tête de mousse exhale des arômes floraux et épicés (m')évoquant le clou de girofle. On distingue aussi des notes fruitées sur la pomme et de discrets tons citronnés. Le malt se manifeste aussi tout de même par petites touches biscuitées et miellées. 

En bouche, l'entrée est vive et plutôt sèche, donnant une impression de fraîcheur. Une impression qui s'atténue vite pour laisser la place à un corps de texture plus ronde et moelleuse, où le bouquet floral prédomine là aussi, supplantant les mêmes tons fruités qu'au nez. On retrouve aussi ces mêmes notes épicées qui empêchent le moelleux du corps de prendre l'ascendant. On distingue, au milieu de tout cela une douce touche miellée. Pour finir, la fin de bouche est marquée par une amertume herbacée modérée mais bien persistante. 

Une Vrééé de Vrééé belge, dans la tradition de ce qui se fait de meilleur au plat pays, avec une belle vivacité épicée qu'équilibre un moelleux agréable. Le tout entouré d'un bouquet floral prononcé, voire prédominant. Si l'on ajoute à cela la légèreté et la vivacité rafraîchissantes de l'attaque, on obtient un breuvage agréable autant au rafraîchissement qu'à la dégustation. Et pour ne rien gâcher, on peut même l'accompagner de viande marinée cuite au barbecue, de moules et frites sauce curry ou à la bière tout simplement, de Beaufort d'été ou de vieux Gouda, ou encore de chocolat blanc.

Petit rappel pour ceux qui veulent en savoir plus sur l'Authentique Brasserie : 
Authentique Brasserie
5 rue de Condé
7321 Blaton, Province du Hainaut, Belgique
0032 69 58 07 78

jeudi 12 juillet 2018

Les Echappées de L'Agrivoise

"Que voilà encore un titre bizarre !", vous direz-vous peut-être une fois de plus. Ou pas ! Mais comme d'habitude, je vais décortiquer ça pour vous donner de brèves explications ("Brèves ? Oah le rigolo lui, incapable de nous pondre autre chose que des romans quand il se lance dans des explications !"). Et comme j'aime bien tout faire dans le désordre, je vais commencer par L'Agrivoise et terminer avec Les Échappées.

Qu'est-ce que L'Agrivoise ? Il s'agit tout simplement du nom d'une brasserie artisanale du plateau ardéchois, située à Saint-Agrève. On peut déjà la considérer comme "vieille" en regard de la multitude de brasseries et micro-brasseries qui se sont montées ces 2-3 dernières années, puisque L'Agrivoise a été fondée en 2008 (elle fêtera d'ailleurs ses 10 ans début août prochain). Une brasserie donc déjà bien installée qui propose, forcément, sa gamme de bières, mais aussi des tireuses en location avec fûts de 20 et 30 litres, mais aussi des bières à façon pour tout type d'événement, la pose de tirages pression chez les professionnels. Outre des noms dont la signification fleure bon l'esprit rebelle, anticolonialiste et nostalgique des tentatives de révolution passées (Commune de Paris, mai 68...), sa gamme contient : 
  • L'Asociale, bière rousse "traître", 
  • la Commun'Ale, bière blonde de type American Pale Ale, 
  • la Vue sur l'Amer, ambrée de type pale ale "joyeusement houblonnée"
  • la Sous les Pavés, bière noire
  • l'Humulupucienne, bière blonde légère qui "fleure la fin de l'hiver"
  • et d'autres plus périodiques, telles que l'An que Ven, bière de Noël chaque année de recette différente. Si j'ai bien compris...
Et, parmi les périodiques et exceptionnelles, se trouve une petite gamme appelée Les Échappées dont les bières sont toutes des recettes éphémères, "des tocades brassées selon nos caprices", aux dires des brasseurs eux-mêmes. Et l'une des ces bières éphémères Les Échappées est arrivée jusqu'à moi : la Nelson Sauvin Pale Ale, sur houblonnée. "En voilà une drôle d'idée, nous présenter une bière éphémère, qu'on ne pourra plus acheter parce qu'elle n'existera sûrement plus !". Si si, je vous entends déjà le dire pour vous-même ! Elle m'a plu, et c'est déjà une raison bien suffisante. Mais de plus, ça me permet de parler d'une brasserie que je n'avais pas encore présenté, et ça donne une idée du talent des brasseurs, à défaut d'avoir accès à leurs bières. La Nelson Sauvin Pale Ale est brassée à partir de malts pâle et un peu plus foncés, ambrés. Elle est assaisonnée des houblons Mosaic et, comme son nom l'indique, Nelson Sauvin.
  • Le Mosaic est un houblon américain issu du croisement des houblons Simcoe et Nugget, à la complexe palette aromatique fruitée (des agrumes aux fruits exotiques en passant par les fruits rouges) et végétale (notes herbacées, terreuses, de pin...).
  • Le Nelson Sauvin est néo-zélandais, aromatique et/ou amérisant, et est connu notamment pour ses arômes de Sauvignon blanc, grâce notamment à ses notes exotiques de fruits de la passion.
Pour le reste, on a affaire à une bière de fermentation haute refermentée en bouteille. Elle titre ainsi 5.8 % de  teneur en alcool. Ce qui en fait une bière légère qu'on dégustera fraîche sans être glacée, de façon à ne pas lui péter son bouquet sympa, autour des 6-7° C.

Les Échappées, Nelson Sauvin Pale Ale


Au visuel, elle arbore une robe ambre claire trouble, aux reflets dorés. Elle se coiffe d'une tête de mousse blanche abondante que j'ai l'habitude de qualifier de "rocailleuse" pour signifier qu'elle ne s'atténue pas de façon uniforme, mais par morceaux (eh oui, désolé pour les puristes, je ne suis pas copain avec l'intégralité du vocabulaire distingué des grands dégustateurs...). Pour le reste, cette mousse se révèle bien collante, en larges dentelles, et bien persistante en un épais col.

Au nez, ses arômes sont doux et fruités avec notamment des notes exotiques où les fruits de la passion ressortent, accompagnés de notes d'agrumes (orange, citron...). Ces tons fruités sont environnés d'arômes plus doux aux notes biscuitées de malt et d'autres légèrement miellées. Une pointe herbacée et résineuse se fait jour en arrière-plan.

En bouche, on attaque sur une douce effervescence et une texture relativement ronde et riche. Le corps est puissant et se compose d'un bon équilibre entre des saveurs biscuitées et miellées moelleuses et de belles notes d'agrumes et de fruits de la passion, avec là aussi une pointe résineuse sur la fin. Lui succède une amertume prononcée et tranchante aux fortes notes herbacées, persistante. Une certaine dose d'astringence accompagne cette amertume pour une finale sèche.

Ce qui ressort de cette Pale Ale, outre qu'elle est bonne (un peu trop facile...), c'est l'équilibre réussi entre malté moelleux et houblonné fruité au niveau du corps. Mais aussi cette même réussite dans l'équilibre entre la rondeur moelleuse du corps et la sécheresse tranchante de l'amertume marquée de la fin de bouche. Bref, une bière équilibrée quoi... Et ça, chez moi, c'est signe de savoir-faire et de talent. Et pour ne rien gâcher, on peut tenter de l'associer à des fruits de mer, une pièce de viande ou des saucisses épicées bien grillées au barbecue. Mais aussi à un bout de Comté ou de gruyère suisse 24 à 30 mois d'affinage, ou de tomme autrichienne aux fleurs. Enfin, au dessert, je suggère une salade de fruits exotiques ou un sorbet orange ou fruits de la passion.

Petit rappel pour ceux qui veulent en savoir plus sur la Brasserie : 
Route du Pont
07320 Saint-Agrève
04 75 30 70 76