Ma dernière bafouille était consacrée à deux dégustations un peu particulières : deux bières de la Brasserie Burgonde (Vitteaux) : une blonde et une ambrée vieilles de près de quatre ans (La Vitteaux vieillit plutôt bien). L'impression avait été positive et confirmait ce que la brasserie annonce depuis toujours : les bières de Vitteaux se conservent bien et, en tant que bières vivantes, sont évolutives dans le temps. Non seulement c'est le cas, mais de surcroît elles se conservent bien après l'obligatoire DLUO (Date Limite d'Utilisation Optimale) annoncée sur les bouteilles. Ce qui rend cette obligation de DLUO un chouïa insensée...
J'ai fait parvenir cette bafouille à Nicolas Bretillon et Emmanuel Prost, dirigeants de la brasserie. Et en récompense et remerciement pour ces dégustation et écrit plutôt rares, j'ai eu l'honneur de pouvoir déguster une Cervoisétorix brassée lors de leurs débuts en tant que Brasserie Burgonde... en 2008 ! C'est Emmanuel qui m'a remis cette vieille de la vieille. Il m'a confié qu'elle venait d'un carton qu'il avait décidé de garder en 2008 afin de voir comment elle évoluait dans le temps. J'étais donc devenu possesseur de la deuxième bouteille sortie dudit carton. La DLUO de cette bouteille allait à mai 2010, ce qui ramène son brassage à mai 2008. Comme la blonde et l'ambrée analysées précédemment, elle a été conservée dans les meilleures conditions : debout, à l'abri de la lumière et au frais d'une cave.
Comme il y avait longtemps que je n'avais plus bu de Cervoisétorix, je ne pouvais pas me permettre de faire un comparatif comme ça. Un peu de sérieux ! J'ai quand même affaire, ici, à un monument de bière vieillie.
Je ne pouvais donc que m'empresser d'aller acheter une Cervoisétorix actuelle afin de m'adonner à un exercice peu régulier : une petite dégustation comparative. La Cervoisétorix ? Une particularité qu'on trouve peu dans la région, brassée comme une bière du temps des Gaulois ! Plus sérieusement, comme une bière brassée avant la généralisation du houblon, qu'on situe aux alentours des XIVe-XVe siècles. Avant cela, la grande majorité des brasseurs considéraient le houblon uniquement comme une mauvaise herbe, et assaisonnaient leurs bières avec des mélanges d'épices, d'herbes et de fleurs qu'on appelait le gruit. Il pouvait varier selon les lieux et les époques. A cette époque, et depuis l'Antiquité et le (fameux) temps des Gaulois, on appelait la boisson fermentée à base d'orge et de gruit de la cervoise. La Brasserie Burgonde est revenue sur cette tradition ancienne avec sa Cervoisétorix, issue du brassage de malts d'orge et d'un assaisonnement d'herbes, de fleurs et d'épices que Nicolas ne m'a pas révélé à l'époque où nous nous sommes rencontrés. Tout juste, si j'ai bon souvenir, m'avait-il confié qu'une toute petite quantité de houblon était tout de même ajoutée en complément de l'assaisonnement. Et certainement pour une meilleure conservation, le houblon étant un agent conservateur d'une grande efficacité. De fermentation haute, elle est refermentée en bouteille. Elle titre 6 % de teneur en alcool, ce qui en fait une biè... euh une cervoise semi-forte. Actuelle, elle se déguste bien à 6-7° C. Vieille de dix ans, elle se laissera boire à température de cave.
Voici la jeune
Au visuel, la jeunette se pare d'une robe d'un blond pâle à doré en remontant du bas vers le haut du verre, avec un trouble marqué traversé de reflets dorés. La tête de mousse est blanche, abondante et plutôt compacte, collante en longues dentelles, bien persistante.
Au nez, cette mousse dégage des arômes aux notes fruitées, citronnées, florales aussi, et avec un caractère épicé marqué. Une pointe vanillée et légèrement miellée adoucit le tout.
En bouche, l'entrée est vive. Elle débouche sur un corps de texture légère, fruité et légèrement acide, aux saveurs citronnées et épicées marquées d'abord, suivies de notes plus douces et plus discrètes, entre florales et miellées à vanillées. L'amertume de fin de bouche est légère et herbacée, de courte persistance, laissant la part belle aux épices.
Voici la vieille peau
La DLUO, cochée au marqueur, à l'ancienne quoi... |
Avant même le versement, à l'ouverture de la bouteille, l'effervescence se montre très vive.
Au visuel, la robe est d'un blond foncé tirant sur l'ambré. Le trouble est bien plus important que pour la petite jeune, et marqué par une grande quantité de dépôt en suspension : Emmanuel m'a dit qu'à l'époque, le dépôt de levure était plus important qu'aujourd'hui, alors imaginez avec dix ans d'âge... La tête de mousse, elle aussi, est plus foncée, blanc cassé. Elle se montre exubérante, avec de grosses bulles, mais s'atténue rapidement, colle très peu au verre et ne persiste pas. Encore une différence avec la petite jeune, dont la mousse persistait bien. Mais le phénomène n'est certainement pas étonnant chez une bière aussi vieille : je l'avais déjà observé lors de ma dégustation des blonde et ambrée de quatre ans d'âge.
Au nez, les arômes sont doux, maltés, ce qui se traduit par des notes biscuitées et miellées. On distingue aussi des arômes fleuris évoquant les fleurs sauvages, ainsi que des notes fruitées acidulées évoquant la pomme verte. Enfin, une pointe épicée marquée environne le tout. Le malt est plus présent aux arômes que chez la petite jeune. Le caractère citronné s'est transformé en arômes acidulés davantage axés sur la pomme. Les notes miellées et les épices sont toujours aussi présents.
En bouche, l'entrée se révèle très vive pour une bière de dix ans d'âge. De là, on débouche sur un corps à la texture plus riche et consistante que celui de sa lointaine héritière. Un corps puissant, d'abord acide à la façon d'une Gueuze, avec toujours ces petites notes de pomme verte. Mais cette impression d'acidité s'atténue rapidement, laissant la place à des saveurs biscuitées et miellées prononcées. Les saveurs florales sont atténuées par rapport à la Cervoisétorix actuelle, mais encore bien présentes. Le caractère épicé est encore prononcé, voire même plus intense chez la vieille que chez la jeune. Le tout donne un corps puissant et relevé. Malgré ses dix ans d'âge, son amertume herbacée est encore bien perceptible mais ne persiste pas. La persistance est laissée aux notes épicées qui donnent une fin de bouche longue et chaleureuse.
Boire une bière de dix ans d'âge - une première pour moi - est déjà impressionnant en soi. Mais j'ai aussi été impressionné par l'évolution de cette Cervoisétorix. Emmanuel m'a dit que la recette avait connu certains petits changements depuis 2008, mais la base reste la même. La robe et la mousse ont foncé, l'effervescence est restée intacte, le corps s'est fortement enrichi et n'a plus sa légèreté d'antan, il se révèle aussi bien plus chaleureux. D'une cervoise de texture légère aux saveurs florales rafraîchissantes bien qu'épicées, on est passé à un breuvage de dégustation complexe, puissant et chaleureux. Impressionnant, tel est le mot que j'ai trouvé pour décrire le degré de maturité atteint par la Cervoisétorix. Je n'ai aucun point de comparaison, me direz-vous, et vous n'aurez pas tort... Mais il faut bien commencer quelque part. Alors merci à Emmanuel et Nicolas, de la Brasserie Burgonde, de me l'avoir permis !
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