La Brasserie Elixkir ne s'est pas limitée, en termes de styles étrangers, à l'IPA que j'ai présentée sur ce blog dernièrement. L'une des dernières nées de la brasserie est un Porter, style historique de bière anglaise.
Ce style de bière est apparu à Londres dans les années 1700. A l'époque dans les estaminets, on demandait fréquemment un mélange de plusieurs bières de forces différentes selon leur prix. On appelait ce mélange "Three Threads" (Trois fils). Suite à un hasard, ou une erreur, certains brasseurs londoniens arrivèrent à produire un équivalent du "Three Thread" le plus recherché de Londres, mais en un seul brassage, grâce à un nouveau mélange de malts pâle et foncé, donnant une bière brune plutôt légère (5 à 6 % de teneur en alcool) et... rafraîchissante (Heee oui, même les brunes sont rafraîchissantes !). La différence majeure est que cette bière, produite en un seul brassage au lieu de plusieurs, était forcément beaucoup moins chère que le "Three Threads" traditionnel, ce qui en étendit le marché aux couches populaires, laborieuses. Cela permit le brassage à grande échelle, qui devint l'une des plus vendues de Grande Bretagne. Le nom de "Porter" lui vient de ceux auprès desquels elle eut le plus grand succès : les... porters, terme anglais désignant les débardeurs transportant du fret dans les rues de Londres ainsi que sur ses voies d'eau.
Comme de nombreux styles historiques, le Porter finit par tomber en désuétude et presque disparaître en raison des progrès techniques qui, au fur et à mesure du XIXe siècle, permirent le brassage à grande échelle et peu cher de bières blondes type lager pilsner. Comme l'IPA, le style Porter a repris de la vigueur ces 40 dernières années avec le retour sur scène de la brasserie artisanale, sous de nombreuses formes selon les interprétations qu'en faisaient les brasseurs. COLE Melissa, Tout sur la bière, Paris, Gallimard, 2011, p. 166-167.
Amélia Begrand et Guillaume Paysant n'ont pas voulu être en reste et ont donc créé leur propre Porter, une bière de fermentation haute, refermentée en bouteille. Elle titre 5.5 % de teneur en alcool, ce qui en fait une bière légère. Elle se boira, pour être tout de même rafraîchissante, entre 6 et 8°C.
La voici :
Au visuel, elle arbore une robe brun foncé aux reflets acajou. Comme ses soeurs qui subissent, elles aussi, une refermentation en bouteille, on y décèle un léger trouble. Le tout est surmonté d'un col de mousse ivoire aux fines bulles, peu abondant mais persistant.
Au nez, la mousse offre des arômes plutôt discrets aux notes chocolatées, grillées et torréfiées, ainsi que des touches moelleuses de fruits noirs.
En bouche, on pourrait s'attendre à une bière rude, mais il n'en est rien. Elle est douce, voire moelleuse avec des touches caramélisées et chocolatées (chocolat noir plutôt), mais surtout des saveurs de céréales grillées et torréfiées. Ces dernières se retrouvent dans une amertume type café noir, qui se révèle malgré tout modérée. Persistance sur le grillé et le torréfié.
On a là une Porter sympathique et, croyez-le ou non, rafraîchissante notamment du fait d'un taux d'alcool et de saveurs assez légers. Elle n'en reste pas moins aussi une bière de dégustation avec des saveurs agréables mêlant moelleux et rudesse en un équilibre réussi. Elle accompagnera avantageusement un dessert chocolaté, voire au café, ou tout simplement un morceau de chocolat noir. Mais pourquoi pas aussi avec un bon steak...
Elle est désormais disponible, pour le prix de 3.00 € la bouteille de 33 cl sur www.secretsdebieres.fr