mercredi 20 février 2019

Nouvelles Potions à La Roteuse

"Et allez, le re-v'là avec ses roteurs !", vous entends-je déjà dire... Tout d'abord, je ne vous permets pas : Antoine et Baptiste sont de la Brasserie La Roteuse, et fabriquent de la Roteuse. Mais ce ne sont en aucun cas des roteurs ! Je les connais depuis deux ans et demi environ et je vais régulièrement les voir. Si je les ai entendu roter une fois chacun depuis, c'est beaucoup... Et puis, ils ont profité des quelques beaux jours qui nous sont tombés dessus récemment pour nous proposer deux nouveautés dans leur gamme éphémère appelée La Potion. Espérant que je les trouverais mauvaises et, donc, que j'arrêterais de venir les voir aussi souvent, ils m'ont fait goûter quelques-uns de leurs essais et, manque de bol, j'ai une fois de plus trouvé ça bon... Ils se sont donc résignés à me voir revenir encore et encore ! Et maintenant qu'elles sont officielles, je vais pouvoir en parler... 

Il y a tout d'abord une blanche. Une blanche ! Ceux qui suivent régulièrement mes bafouilles se sont peut-être rendus compte que les publications à propos de bières blanches peuvent se compter sur les doigts d'une seule main sur ce blog, et peut-être cela fait-il encore trop de doigts... Je ne suis pas un grand amateur. Et pourtant, je vais parler de la Potion blanche de la Brasserie La Roteuse ! C'est que c'est quelque chose... Comme n'importe quelle autre blanche, elle se compose d'une partie d'orge maltée et d'une partie de froment cru. Comme pour les weissbiers allemandes, et au contraire des witbiers belges, aucune épice n'est ajoutée. Et pourtant, quel parfum ! C'est parce qu'à la différence de ces grands classiques de la bière de froment (ou de blé), la Potion blanche a été houblonnée à cru - ou dry-hoppée, pour utiliser un terme new wave of brewers - pour un bouquet des plus séduisants. Comme toutes ses sœurs de la brasserie, elle est de fermentation haute et refermentée en bouteille. Elle titre 3.5 % de teneur en alcool, et là c'est réellement une première sur ce blog : jamais une bière de moins de 4 % n'y avait fait son apparition ! Comme tout bon alcoolique qui se respecte, je suis bien davantage un adepte des binouzes puissantes à tout point de vue. C'est vous dire si cette blanche est bien faite... C'est donc, vous l'aurez compris, une bière légère, à déguster à 5-6° C. Et, comme pour toutes les autres bières blanches, oubliez la rondelle de citron, il y a tout ce qu'il faut dedans !

La Potion Blanche


Au visuel, cette potion arbore une robe blond pâle trouble aux reflets couleur paille. Elle est surmontée d'une tête de mousse blanche d'abord vive et abondante, puis plus fine, collante en longues dentelles, et bien persistante en un très fin col.

Au nez, les arômes sont bien perceptibles avec des notes houblonnées résineuses marquées, accompagnées de notes d'agrumes (citron vert notamment), et j'ai même cru déceler une pointe de menthe en arrière-plan. Des arômes très atypiques, prononcés et attirants pour une blanche, ça promet...

En bouche, l'attaque est vive et rafraîchissante et aboutit sur un corps de texture riche et puissant, paradoxalement. Il dégage des saveurs bien fruitées, où les agrumes dominent avec l'orange amère et le zeste de citron vert. Des tons résineux marqués et agréables à trouver dans une blanche ne gâchent rien. Une pointe épicée ponctue le tout avant de laisser la place à une amertume forte et tranchante aux notes herbacées et d'écorce d'agrume, bien persistante.

Une blanche paradoxale à plus d'un titre. D'abord, elle me plait beaucoup et ce n'est pas la moindre des surprises... Ensuite parce qu'elle développe une richesse de texture et une puissance de saveurs qui font presque oublier qu'on a affaire à une bière si légère en alcool. Enfin, elle développe une palette aromatique des plus atypiques pour une blanche, où les agrumes doivent se battre pour rivaliser avec de forts tons résineux, ainsi qu'une forte amertume. Avertissement aux amateurs de bières blanches classiques : vous risquez d'être surpris ! Une blanche rafraîchissante, puissante et, malgré tout, encore moins "dangereuse" à boire que ses congénères. Pour preuve, je me suis envoyé les 75 cl d'un coup (c'est bon, je sais ce que vous pensez !), et pas un soupçon de jeu ! Ou presque... Et encore, si j'ai trébuché en sortant de chez moi, c'est parce qu'un bout de bois s'est jeté dans mes pieds ! 


Parlons un peu de la deuxième Potion du moment : la Potion APA pour Alsacian Pale Ale. Rassurez-vous, Antoine et Baptiste ne sont pas beer geek et pas suffisamment new wave of brewers pour s'amuser à créer de nouveaux styles de bière aux noms ronflants. C'est juste qu'ils nous ont créé une bière du style American Pale Ale agrémentée d'une belle dose de houblon alsacien.

Pour ce qui est de l'American Pale Ale, je vais juste vous reposer ici l'explication que j'en avais donné il y a deux ans dans une autre bafouille (Une American Pale Ale à Tours) : "Il convient de se demander déjà ce qu'est une Pale Ale. Il s'agit d'un style anglais né à une époque où les ales anglaises (bières de fermentation haute anglaises faisant la part belle au malt) étaient ambrées ou sombres. L'idée était de brasser ce type de bière uniquement avec du malt pâle, donnant pour la première fois une bière bien plus claire (d'où son nom de "Pale Ale"). Titrant en général 5 à 6 % de teneur en alcool, ce type de bière est doux, rafraîchissant et savoureux, dégageant un bel équilibre entre le malt et ses notes de pain ou biscuitée (voire miellées) et le caractère plus fruité ou herbacé du houblon (selon le ou les houblon(s) utilisé(s) ). L'amertume y est aussi plus forte que dans les ales plus sombres. Eh bien, l'American Pale Ale est juste l'appropriation par les multiples artisans brasseurs américains de ce style, en y ajoutant leur touche. Une touche qui se caractérise, comme souvent outre-atlantique, par un houblonnage plus intense. Et on connaît les caractéristiques aromatiques et amérisantes prononcées des houblons américains (fruits exotiques, agrumes, fleurs, épices, résine...)". Eh bien ici, nous avons affaire à une American Pale Ale à la sauce Roteuse, ce qui nous donne une Alsacian Pale Ale... Une pale ale de fermentation haute et refermentée en bouteille, titrant 6 % de teneur en alcool. Ce qui en fait une bière semi-forte, que j'ai personnellement dégustée plutôt fraîche, du côté des 6-7° C, et tout s'est bien passé.

La Potion American (ou Alsacian, du coup) Pale Ale


Au visuel, elle se montre d'un blond foncé au trouble important traversé de légers reflets dorés, et se coiffe d'une tête de mousse blanc cassé abondante, compacte et "rocailleuse", bien collante en fines dentelles, et très longuement persistante.

Au nez, les arômes sont légers, surtout fruités (fruits blancs, agrumes) et floraux. On distingue une touche de miel et de légères notes biscuitées et caramélisées.

En bouche, l'attaque est vive et sèche. Le corps s'avère être de la même texture, tout aussi vif et rafraîchissant. Il dégage des saveurs légères et fruitées, où l'on retrouve les fruits blancs, l'orange, le même bouquet floral qu'au nez. En revanche les notes maltées, déjà légères au nez, se révèlent quasiment absentes en bouche, éludées par la sécheresse de la texture et le caractère très houblonné de cette pale ale. L'amertume qui conclut le tout se montre puissante avec ses notes herbacées, et bien persistante.

J'ai aussi beaucoup aimé cette "Alsacian" Pale Ale car en ces jours ensoleillés, elle fait merveille : une sécheresse et une légèreté rafraîchissantes, un beau bouquet fruité et floral comme Antoine et Baptiste en ont le secret, une franche amertume. Voilà qui ferait une belle bière printanière et estivale, pour peu qu'on aime les fortes amertumes (il faut le savoir tout de même). Et, par-dessus le marché, autant on pourrait aisément croire à une plus forte teneur en alcool dans la Potion blanche, autant ici on a du mal à croire que 6 % de teneur en alcool se cachent derrière cette légèreté et cette sécheresse de texture. Mais on finit tout de même par s'en rendre compte. Quand on a ingurgité le premier verre à grandes lampées et qu'on attaque le deuxième de la même façon, le résultat n'est pas le même qu'avec la blanche... Mais ceux qui aiment les pale ales bien houblonnées doivent foncer ! 



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